SYRIE

Voyage en Syrie en camping-carUn récit/album du carnet de voyage :
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VOYAGE EN SYRIE

10 décembre 2009

Arrivés à la frontière turco-syrienne vers midi, a part la traditionnelle file de camions, nous serons quasiment les seuls touristes à passer. Rapidement pris en mains par la douane nous sommes dirigés vers un bureau du service touristique syrien qui doit nous faciliter la tâche pour enregistrer nos passeports.

Outre la personne du service touristique qui ne parle pas un mot de français, il y a un représentant des douanes chargé, nous dit-il, du dédouanement des marchandises qui transitent par la Syrie. Il parle bien français et nous fait remplir des fiches afin d’acquitter :
- Une taxe « diesel » de 100 $ US pour chaque semaine passée en Syrie, soit 200 € pour les 2 semaines envisagées
- Frais pour acquisition d’un carnet de passage en douane ; montant 85 €
- Assurance obligatoire, notre carte verte ne couvre pas la Syrie : coût 65 €

Nous comprenons très vite le rôle joué par ces deux personnages dont le but évident est de nous soutirer une commission pour leur travail qui, nous assurent-ils, nous évite d’attendre longtemps à la douane. Ils détiennent nos documents et ne les lâcheront qu’une fois réglé le bakchich qui s’impose. Nous croyons leur avoir échappé au passage du dernier check-point où nous devions les attendre.

Arrivés avant eux, la police des frontières nous ouvre le portail pour entrer en Syrie. Mais nos acolytes, après un long sprint, nous rattrapent et hurlent que nos papiers ne sont pas en règle ; nous devons faire demi-tour. Le « dédouaneur » disparaît durant ¼ d’heure avec nos documents et revient sourire aux lèvres. « Tout est terminé, nous dit-il, je monte avec vous, nous allons à Alep dans une banque pour retirer l’argent que vous me devez pour le service ». En fait, nous avons fait trois distributeurs qui étaient en panne avant de pouvoir retirer des livres syriennes dans un quatrième ; notre gugusse sur nos talons, il ne nous lâchera qu’après avoir empoché son bakchich.

Après réflexion et recalculé, nous nous sommes faits avoir sur le taux de change et les bakchichs d’une soixantaine d’euros et trois heures d’attente en tout pour passer la frontière. Ce n’est pas très grave, au fond ce n’est qu’un peu d’argent ; mais j’aurai préféré le dépenser dans le commerce local plutôt que d’alimenter la corruption d’état. Nous savons déjà qu’il en sera de même au retour de Jordanie ; nous essaierons de ne pas tomber dans le piège une seconde fois mais rien n’est moins sûr !

Nous sommes installés sur un camping entre Bab Al Hawa et Alep, le « camping Salaam » tenu par un Syrien, Mohammed Jahr et sa femme belge Cristel. Ils connaissent les hommes de la douane et leur réputation n’est plus à faire dans le tourisme local. Nous sommes seuls sur la soixantaine d’ares de terrain clos d’un gros mur de pierres. Tout est propre et nos hôtes très sympas. Seul problème, il pleut et il fait froid, c’est presque l’hiver à Kafr Ammé.

12 décembre 2009

Pour aller à Alep depuis notre campement, nous empruntons les petits bus qui circulent dans toutes les directions, sans horaire, au taux de remplissage moyen de 120 % et pour la modique somme forfaitaire de 20 livres syriennes par personne soit 0.20 €. Prévus pour une douzaine de personnes, ces petits bus fonctionnent au klaxon afin d’attirer l’attention des éventuels clients qui s’y entassent au fur et à mesure de la course.

L’argent circule de mains en mains afin d’arriver jusqu’au chauffeur et la monnaie éventuelle prend le chemin inverse jusqu’à son destinataire. Une fois pleine, la boîte à sardines prend sa vitesse de croisière au son d’une musique arabe crachée par les haut-parleurs. Une courte exclamation, le véhicule s’arrête, la moitié des passagers descend pour permettre l’extraction de celui arrivé à destination. Tout le monde remonte et le véhicule repart au pas, klaxon en action pour compléter le chargement ; on trouvera toujours une petite place si les clients sont plusieurs. Le terminus atteint, nous ne sommes pas mécontents de déplier nos membres endoloris.

Le Syrien mâle ne parle pas, il hurle, surement pour affirmer sa suprématie face à la gente féminine qui est plutôt effacée dans son habit noir traditionnel. C’est dans une cacophonie de cris, de klaxons et de musique locale que nous débarquons sur les trottoirs encombrés d’Alep. Notre première destination : « la Grande Mosquée des Omeyyades ». Notre plan à peine sorti, deux personnes, sourire aux lèvres, nous proposent gentiment leur aide.

Sous la pluie, nous arrivons rapidement devant le grand minaret seldjoukide et le petit parc de la mosquée ; c’est l’heure de la prière et les fidèles s’y précipitent. Nous suivons le même chemin qu’eux après que Jo ait revêtu « la houppelande » mise à sa disposition pour pénétrer nus pieds dans le saint lieu, elle, du côté des femmes et moi, du côté des hommes.
Le plus discrètement possible afin de ne pas troubler la quiétude et la dévotion qui règnent en ces lieux, j’admire cette belle construction tout en longueur. Un épais tapis vert couvre le sol, les murs sont recouverts de marqueterie typiquement islamique. La coupole supporte un immense lustre de cristal qui diffuse dans la salle des prières une lumière douce.

Au centre, un mihrab en bois foncé domine la salle où les dévots psalmodient les versets coraniques. Des bancs sont prévus pour les vieillards et les handicapés, chacun vient ici pour affirmer sa foi en toute sérénité.

Nous prenons ensuite le chemin de la citadelle, véritable forteresse sur son promontoire qui domine la ville de toute sa hauteur. Réputée imprenable, on le comprend de suite en voyant l’ouvrage. Jamais un chef franc n’a pu franchir les murailles de la citadelle d’Alep sinon chargé de chaînes comme un certain Comte d’Edesse qui fut prisonnier ici, les yeux crevés pour ne pas avoir voulu abjurer sa foi chrétienne et qui y mourut dans un cul de basse fosse en 1159. Renaud de Châtillon, prince d’Antioche, sans foi ni loi, y fut également prisonnier durant seize années.

Un formidable fossé entoure la citadelle ; on y accède par une pente de forte déclivité qui traverse le fossé par un pont à huit arches. Le bastion d’entrée est un chef d’œuvre de l’art militaire par ses angles, ses ouvertures et ses traquenards qui rendent l’accès très difficile aux attaquants. Maintes fois transformée et remaniée, c’est un labyrinthe qu’il faut emprunter avec quelques escalades en prime pour atteindre les balcons qui permettent de voir Alep de haut. Une petite mosquée construite en 1167 au centre de la citadelle marque l’endroit où Abraham aurait fait halte. Plus haut, une autre mosquée construite par le fils de Saladin vers 1414 dresse son minaret dans le ciel noir.

Alep est un amas de constructions grises hétéroclites qui s’étendent à perte de vue dominées par d’innombrables mosquées ; il y en aurait plus de mille. Elle se divise en trois grandes parties : la ville vieille avec ses 12 kms de souks, la ville nouvelle faite de tours en béton et le quartier chrétien avec ses églises maronite, orthodoxe, byzantine.

Nous avons repris un petit bus pour retrouver notre camion à Kafr Ammé, le bord de la route est une poubelle à ciel ouvert.

13 décembre 2009

Le lendemain matin, nous attendons le bus au bord de la route ; c’est un taxi jaune qui s’arrête. Nous déclinons son offre car le tarif taxi est nettement plus cher que le bus mais le chauffeur qui s’appelle Abdelatif insiste avec un grand sourire en nous promettant un bon prix. Nous faisons la route avec lui. Il ne parle pas un mot de français, ni d’anglais mais quand je lui dis que nous sommes de Metz en France, il réfléchit un moment puis nous demande : « Ennery ? ». Surpris nous comprenons que quelqu’un de sa famille travaille ou a travaillé chez Citroën à Ennery. Il nous a déposés à Bab al Faraj en centre ville.

Par la tour de l’horloge nous remontons vers la citadelle pour pénétrer dans les souks par la porte des artisans. Nous sommes bien contents d’y être à l’abri car il pleut sur la ville et la boue est partout. Nous sommes ici dans un autre monde où règne un semblant d’ordre et de propreté. Rien à voir avec les grands souks marocains où les touristes sont harcelés par les commerçants, rabatteurs et autre guides ou faux guides.

Les syriens sont d’un naturel accueillant et poli ; ils veulent savoir d’où l’on vient et ont toujours une phrase en français pour nous être agréables. Ainsi l’un d’eux nous lance un « les carottes sont cuites » avec un rire éclatant, seule phrase qu’il connaisse probablement.

Sous les voûtes des allées étroites, les forgerons, dinandiers, ferronniers présentent leurs œuvres les plus remarquables en cuivre, laiton, fer battu ou étain sous des lustres majestueux. Tout à leur travail, ils nous saluent et continuent à marteler le fer. Puis les tisserands sur d’antiques métiers à tisser nous montrent leur savoir faire et la qualité de leur travail est présentée sur des étals dans de petites échoppes.

Les couturiers présentent de belles djellabas multicolores, des pachminas en soie et ainsi de suite, par corporations professionnelles, chacun dans sn échoppe présente aux nombreux badauds un savoir faire millénaire. Devant les célèbres savons, nous ne résistons pas longtemps pour acheter ce savon d’Alep de renommée mondiale. Nous allons ainsi une grande partie de la journée dans un va et vient bon enfant parmi la foule toute à ses affaires.

Une fois à l’extérieur, nous souhaitons visiter le quartier chrétien mais la pluie nous fait battre en retraite et nous retournons au camping par minibus, cela va de soi.

14 décembre 2009

La pluie et le froid ne nous incitent pas à la promenade ; aussi nous passons du temps avec Cristel et son petit garçon Zacharia. Un petit garage incorporé au bâtiment qui sert d’habitation à la famille Jahr nous permet de faire la vidange du camion, le contrôle des niveaux et la pression des pneus.

15 décembre 2009

Nous quittons Kafr Ammé, Cristel, Zacharia et le camping de pierres pour un site incontournable en Syrie, la basilique de Saint Simeon, le Stylite. La route est difficile mais nous arrivons sur le parking du site et après le passage en caisse nous pénétrons sur les ruines du sanctuaire qui fut de 460 jusqu’au haut moyen âge un haut lieu de pèlerinage pour les chrétiens. Situé sur une colline dans le djebel Seman « Qalaat Seman » domine une vallée de cailloux, de terres rouges et d’oliviers.

Depuis le 4ème siècle, en Syrie, des moines, des ermites, pour preuve de leur foi, s’infligeaient de vraies souffrances corporelles « les ascèses » ; ils étaient « les anges ». A ce titre, ils étaient visités et vénérés par les croyants.

Siméon, modeste moine décida de vivre sur une colonne de 38 mètres de hauteur ; il y resta 36 ans. A sa mort en 459, un monastère et une basilique furent érigés sur la colline de la colonne et un ensemble hôtelier fut créé pour accueillir les pèlerins. Ceux-ci déferlaient par centaines chaque jour afin de prier le « stylite » nom qui vient du grec « stylos » dont la colonne avait la forme.

Un baptistère se trouvait à l’opposé de la colonne et ceux qui le désiraient venaient y embrasser la religion chrétienne. Chaque partie de cet ensemble a été partiellement redressée ; ainsi nous avons une bonne vue de l’organisation et du fonctionnement de ce bel établissement religieux. De l’allée centrale, en contournant la colonne encadrée des quatre parties de la basilique, les pèlerins reprenaient l’allée en sens inverse jusqu’au baptistère où ils accédaient par les escaliers et ressortaient pour se diriger vers les hôtels qui bordaient la voie d’accès.

Les moines avaient leur monastère, leur église et leur nécropole où ils étaient déposés dans des sarcophages à leur décès. Quelques années plus tard, leurs ossements étaient rangés dans la crypte souterraine, les os longs d’un côté et le crânes de l’autre, cette pratique a encore lieu aujourd’hui dans les monastères orthodoxes. L’essentiel des pierres et des colonnes sont cependant au sol notamment dans les jardins en étages qu’exploitaient les moines ; on peut y découvrir de belles croix byzantines gravées dans le roc.

Lors de la visite, nous avons fait connaissance avec Christophe Garcia, comédien et accessoirement professeur de théâtre au cours Simon à Paris. Celui-ci étudie une pièce d’un auteur syrien et il est venu ici pour le rencontrer et s’inspirer de la vie et des coutumes locales avant d’interpréter la pièce prochainement dans un théâtre parisien. Nous l’avons véhiculé jusqu’à Idlib où nous passions pour rejoindre Ebla, but prochain de notre voyage.

Nous avons cherché en vain un camping dans les environs qui figure sur notre carte, à Ariha mais nous passons la nuit sur le parking d’un petit parc d’attractions désaffecté.

16 décembre 2009

Le temps est gris quand nous reprenons la route mais il ne pleut pas et c’est déjà bien. Il nous faut à peine une demi-heure pour atteindre Tell Mardikh entre Alep et « Ma Arrhât An Nu Man » par la quatre voies qui va à Damas.

Ebla est une des plus anciennes cités du monde mise à jour vers 1960 après la découverte d’une inscription votive en akkadien sur la statue d’une déesse. Une mission universitaire italienne y met à jour la bibliothèque de la cité vieille de trois mille ans avant l’ère chrétienne. Dix sept mille tablettes de briques recouvertes d’une écriture cunéiforme encore en cours d’étude aujourd’hui donnent un éclairage nouveau pour la connaissance de l’Orient ancien.

Ebla, vieille cité mésopotamienne était enceinte d’une muraille circulaire aujourd’hui en plein champ et les parties mise à jour notamment les murs de briques friables ont été recouvertes d’une protection de ciment et de plâtre pour les préserver de la destruction.

S’il est relativement aisé d’imaginer devant ces ruines une cité romaine car toutes sont à peu près identiques, il faut être un spécialiste d’archéologie pour retrouver les grandes lignes architecturales d’Ebla. Nous discernons tout de même les habitations, les citernes d’eau et les grandes portes d’accès mais au-delà, sans précision d’un spécialiste nous sommes un peu « largués ».

La pluie qui se met à tomber nous force à rejoindre notre camion et c’est un peu frustré que nous prenons la direction d’Apamée « Afamya » pour les syriens, plus grande ville romaine du bassin méditerranéen.

Nous reprenons la route de Damas et par Ma Arrhât An Nu Man nous continuons sur Khan Sheikoum gros village syrien au bord de la quatre voies où nous nous arrêtons pour faire un lavage du camion qui est rouge de terre syrienne. Les laveurs se mettent au travail et tout est pour le mieux ; en attendant j’observe le véhicule à côté, une vieille guimbarde noire, capot et portes grandes ouvertes dont deux jeunes assurent le lavage au jet pression. Tout y passe, le moteur, la tôlerie extérieure, du moins ce qu’il en reste, tapis, sièges avant et arrière, tableau de bord, portes intérieures et extérieures, coffre compris. Le tout dégouline d’eau ; le chauffeur s’assied au volant, les fesses dans l’eau, met en route et s’en va. Bien sûr je suis un peu perplexe mais je suis le seul car la demi douzaine de syriens assistant à la scène n’a aucun mouvement de surprise. Tout est normal pour eux.

Totor a retrouvé sa couleur normale et après avoir réglé le montant de la prestation je me renseigne sur la route à prendre pour aller jusqu’à Afamiha. Les explications sont un peu difficiles pour mon interlocuteur ; aussi me demande-t-il de le suivre. Après avoir enfourché sa moto, nous le suivrons une dizaine de kilomètres dans les méandres boueux du village. Il nous conduit dans la bonne direction et refuse énergiquement le billet que je lui tends ; il nous dit au revoir avec un grand sourire et disparaît avec sa moto. Brave garçon ; merci de ton aide toi le laveur de voitures de Khan Sheikoum.

La pluie se remet à tomber et malgré une signalisation quasi inexistante nous arrivons à Qualat al Mondiq village dominé par une grosse forteresse tout là haut au dessus d’un éperon rocheux. Après quelques courses dans le village nous prenons la route qui grimpe à la citadelle ; celle-ci très raide nous mène à la porte principale très étroite et nous devons manœuvrer pour y entrer et en sortir puisqu’elle est occupée par les habitants qui ont investi Qualat al Mondiq « la citadelle du défilé » au fond duquel coule l’Oronte.

Les Hittites, les Perses et Alexandre l’occupèrent tout à tour mais c’est vers l’an 300 de notre ère qu’elle déborda largement sur la plaine du Ghab pour devenir une des plus grandes cités du monde antique avec son avenue aux mille colonnes dont quatre cents ont été relevées. Entourée par une muraille de 7 kms, elle pouvait atteindre 10 mètres de hauteur d’après les archéologues.

Traversée du nord au sud par un immense cardo de 2 kms, accessible par les deux portes principales, elle avait la même organisation architecturale que la majorité des autres villes romaines. Une colonne votive se dresse au centre du cardo au nord de la ville. Apamée fut entièrement détruite par un terrible séisme en 115 et entièrement reconstruite au cours du 2ème siècle.

Nous passons la nuit devant le restaurant à l’entrée du site et la pluie ne cessera pas jusqu’au matin.

17 décembre 2009

D’Afamya jusqu’à Hama (Epiphania) il n’y a qu’une quarantaine de kilomètres que nous effectuons pour aller voir les fameuses norias. La ville est accessible par de grandes et larges avenues et nous sommes invités par la police locale à stationner notre bus juste en face de la porte du parc dans lequel l’Oronte fait un coude et nous pouvons admirer les norias Al Jisnyé, deux grandes roues à godets qui ne fonctionnent qu’en été pour alimenter en eau les jardins. Avec l’évolution, celles-ci n’auraient plus de raison d’être mais pour conserver son air traditionnel, la ville les entretient grâce au savoir-faire de quelques charpentiers de norias qui se transmettent leur métier de manière orale.

Un peu plus loin sur l’Oronte, la plus grande noria du parc Al Mamouriye alimente un aqueduc ; pour l’approcher, nous avons l’autorisation d’un sympathique restaurateur qui nous ouvre le portail de sa terrasse. Nous faisons un petit tour dans les ruelles de la vieille ville avant de reprendre la route pour Tartus via Masyaf.

A partir de Masyaf, la route s’élève car nous traversons le « Jabal an Nasayriyah ». C’est sous la pluie et dans le brouillard que nous passons le sommet à Wadi al Liyun » avant d’entreprendre la longue descente jusqu’à Tartus au bord de la Méditerranée dont les vagues poussées par le vent d’ouest viennent s’éclater sur les rochers du port.

C’est en vain que nous cherchons le camping mentionné sur notre carte malgré l’aide d’un policier et de deux taxis. Finalement, nous sommes guidés par « Charbi », le taxi qui nous conduit jusque sur le parking du « département de l’immigration et des passeports » qui jouxte un grand parc où des cygnes noirs et des canards barbotent dans les bassins.

Le grand immeuble administratif en verre qui nous fait face arbore en son sommet trois immenses portraits du Président Bachar al Assad dont celui du centre le représente les bras tendus et c’est sous sa protection et celle de la mosquée voisine que nous plaçons Totor pour y passer la nuit. Nous visitons le parc et ses abords où déambule une escouade de marins russes en bordée avant de rejoindre notre camion.

Nous sommes à l’apéritif Jo et moi quand notre taxi vient nous rejoindre avec femme et enfants pour s’assurer que tout va bien pour nous. Nous les invitons à bord, Charbi n’a rien contre le raky (apéritif anisé turc)et nous passons une heure ensemble ; ils sont très intéressés par notre camping-car que nous leur faisons visiter de fond en combles.

18 décembre 2009

Le temps est calme ce matin bien que des nuages lourds roulent dans le ciel de Tartus et nous prenons la voie rapide qui mène vers Homs durant une quarantaine de kilomètres avant de prendre sur notre gauche la direction de « Qalaat al Hosn », le site du célèbre « Krak des Chevaliers ». Les gros orages déversent des torrents d’eau sur les routes du Djebel Ansaryé qui grimpe à 650 m d’altitude en quelques kilomètres avec des épingles à très forts pourcentages.
Totor traîne ses cinq tonnes et demi au travers des barrages de pierres et de boue descendus de la montagne, les rafales de vent nous accompagnent jusqu’au parking à une portée de flèches du Krak dont nous avons repéré la silhouette massive de très loin. Ce château fort fut dans ma mémoire le haut lieu des batailles des croisés contre les musulmans sur la route de la terre sainte dont ils devaient assurer la protection.

En l’approchant, à pieds depuis le parking, j’imagine bien les énormes difficultés rencontrées par les envahisseurs, déjà pour parvenir sous ses tours. En regardant vers le bas de la montagne, la pente est impressionnante d’autant que la route qui mène au château n’était pas asphaltée à l’époque. Puis, une fois au pied de cette masse de pierres, le problème restait entier, pas étonnant que les troupes de Saladin s’y soient « casser les dents » en 1183.

Le Krak tombera lors de la 8ème croisade après cinq semaines de combats peu après la mort de Saint Louis devant Tunis ; il ne restait qu’une soixantaine de chevaliers pour le défendre en 1271.

En parcourant la route qui contourne le château pour accéder à la porte d’accès, nous dominons les villages qui approvisionnaient ce bastion ; étrangement, une église au centre de l’un d’eux exhibe sa croix bleue alors que les minarets alentours appellent à la prière.

C’est une grande rampe d’accès qui permettait aux chevaux de rejoindre les grandes écuries voûtées et aux soldats, les lieux de vie et de travail du château. Salles de garde, magasins, puits, four à pain, cuisines, salle capitulaire, chapelle, cours d’exercices et bien entendu les remparts d’où la vue sur le fond de la vallée et au-delà est impressionnante.

Dommage que cette visite fut gâchée par les orages et le vent. Nous avons envisagé de rester sur le parking pour passer la nuit mais la puissance du vent nous incite à quitter les lieux. Ainsi, après une descente au pas et plusieurs kilomètres après Homs sur la quatre voies qui mène à Damas, nous nous retrouvons sur un parking en cailloux en plein désert, seuls sous des rafales de vent qui nous empêchent de dormir une bonne partie de la nuit, ce qui confirme la véracité du diction : « l’herbe est toujours plus verte dans le pré d’à côté ! ».

19 décembre 2009

Damas ! Après les orages et les rafales de vent de ces derniers jours, nous retrouvons un temps plus calme et plus lumineux. Le paysage change également, les terres rouges et caillouteuses recouvertes d’oliviers quasiment jusqu’à Homs se transforment en steppe de pierres, de terre argileuse et de sable. Sur notre droite, nous apercevons les montagnes du Liban dont les plus hauts sommets sont sous la neige.

Nous oublions le monastère de « Mar Mousa » non loin de Nabek dont un manuscrit syriaque fait allusion en 575. Abandonné vers le 17ème siècle, il fut restauré par un Jésuite italien qui y fonda sa propre congrégation ; il œuvre pour le dialogue entre chrétiens et musulmans avec sa petite communauté de cinq moines et cinq religieuses européens et francophones. Nous oublions également Ma Loula, dernier village où les habitants parlent l’araméen, langue du Christ.

L’approche de « Damascus » Damas, comme toutes les grandes capitales du monde se fait dans un flot grandissant de véhicules de toutes natures et la ville apparait immense sous un halo de brumes. Les coupoles et les minarets dominent le paysage de tours modernes et de constructions sans grâce. Ce n’est plus l’oasis verdoyantes des bédouins mais Damas doit cacher ses trésors dans les murailles de la vieille cité, à nous de les découvrir.
Damas 4
Pour l’heure, nous contournons la ville par la quatre voies qui mène en Jordanie ; notre but, trouver le camping situé à Al Kaawé, une dizaine de kilomètres après Damas. Encore une fois malgré l’aide d’un autre taxi, nous ne le trouvons pas mais je dois dire que celui-ci n’a rien fait pour trouver ; il nous a amenés au centre de Damas en chargeant à notre compte deux de ses compagnons ; il nous réclame 1000 livres (13 €) et nous plaque là.

Un peu désappointés, nous décidons de nous rendre à l’aéroport qui nous semble pratique dans un premier temps et nous aviserons pour la suite. Notre camion garé sur un immense parking gardé, nous passons la nuit au calme, nous entendons à peine les avions car nous ne sommes pas dans les trajectoires.

20 décembre 2009
Il y a de la brume sur le parking de Damascus Airport mais la température est relativement clémente. Nous prenons un taxi qui nous dépose vers la gare Hedjaz car nous souhaitons changer de l’argent et les banques sont dans ce quartier. Sur le trottoir, un Monsieur nous interpelle en français et nous propose de nous aider. Dans un français parfait, il nous propose gentiment de mettre un de ses ordinateurs à notre disposition pour notre besoin d’Internet.

Il nous explique avoir été guide durant quinze années et que maintenant il dirige sa propre agence de voyages : MITHRA TRAVEL TOURISME au 17ème étage de la tour qui se trouve devant nous. Il a fait ses études littéraires à Damas et de très nombreux voyages en France dans le cadre de son travail. Il aime la France qu’il perçoit comme sa seconde patrie et nous échangeons sur le tourisme en Syrie autour d’un thé.
Dans la conversation, il me dit être ami avec un médecin qui a officié à Metz durant 5 ans, le joint par téléphone et une demi heure plus tard, nous sommes présentés au Docteur Riad Kahal, ex –médecin de l’hôpital Notre Dame du Bon Secours et ex-urgentiste. Aujourd’hui, Riad est guide pour la Syrie ; de grande culture, il a été sollicité par son gouvernement la semaine dernière afin d’accompagner Christine Lagarde, notre ministre de l’économie dans sa récente visite de Damas. Il a également servi de guide à Jack Lang et sa femme Monique lors d’un de ses déplacements en Syrie ; il a beaucoup apprécié l’homme et sa vraie modestie. Bien entendu, nous avons parlé de Metz et aussi de Maizières-les-Metz car sa belle famille y réside.

Ce fut un moment très agréable pour nous de parler français car depuis notre départ de Metz, nous n’en avons guère eu l’occasion.

21 décembre 2009

Une dernière nuit sur le parking de l’aéroport de Damas et nous prenons la route du sud qui doit nous conduire vers la frontière jordanienne. Il fait très beau et on roule bien sur la grande quatre voies ; il y a beaucoup de cadavres de gros chiens au bord de celle-ci, victimes des véhicules qui circulent à grande vitesse. Je me suis souvent interrogé sur ces chiens errants, ils se ressemblent tous et sont de taille importante. En fait, ceci est compréhensible si on admet que ceux-ci vivent quasiment à l’état sauvage et que les petits chiens n’ont aucune chance car c’est la loi du plus fort qui règne dans les meutes et la route assure une certaine régulation de la population canine.

Nous quittons sur notre gauche la quatre voies pour prendre la direction de Bosra afin d’y visiter le site antique qui, d’après notre guide bleu, a la particularité d’être encore habité par endroits. Nous arrivons dans la ville sur une place où il est possible de stationner et nous nous positionnons à côté du premier camping-car français que nous rencontrons depuis notre départ, en face d’un restaurant qui nous fournira les prestations d’un terrain de camping standard.

Nous sommes accueillis pas Zakaria, sympathique garçon qui assure le fonctionnement du restaurant en l’absence du propriétaire actuellement en vacances en France d’où sa femme est originaire. Zakaria parle un bon français appris sur le tas avec les archéologues qui travaillent sur le site antique et avec lesquels il trouve un travail temporaire chaque fois qu’une mission française intervient. Il connaît très bien l’histoire de sa ville et sert également de guide à l’occasion.

Une fois installés, nous faisons le tour de la place où nous sommes des curiosités pour les enfants qui vont à l’école et pour les adultes que nos camping-cars intriguent. Nous faisons connaissance avec nos voisins français originaires du Luc en Provence, bien connus dans le monde du camping-car puisqu’ils ont fait l’objet d’un reportage télévisé pour l’originalité de leur projet : faire le tour du monde en camping-car avec leurs deux enfants durant quatre années. La famille MAYET, Denis, Nathalie, Océane, Timothée et leur « Tortue Sélène » capucine sur porteur Ford qui lui sert de maison, est plutôt sur la fin de leur périple.
Il se trouve, qu’aujourd’hui, 21 décembre, est le jour de mon anniversaire ; l’occasion est belle de fêter cela ensemble autour d’une flûte de champagne. Personnages sympathiques et attachants, nous nos sentons bien ensemble et nous poursuivons la soirée autour d’un repas typique jordanien à base de pommes de terre, d’oignons, de viande hachée.

Denis, dentiste de profession, exerçait à Paris avant de rejoindre le Var où avec sa gentille femme Nanou, un jour, ils décidèrent de changer momentanément de vie pour voyager. La décision de le faire en camping-car ne s’est pas imposée à priori car ils n’avaient aucune expérience dans le domaine. Mais dès qu’ils furent décidés, ils achetèrent leur camion très vite et avec leurs enfants Océane et Timothée, ils ont pris la route de …. L’Argentine, au hasard car ils n’avaient aucune feuille de route.

Puis la liste des pays visités s’allongeant et l’expérience grandissant, ils ont enfilé les kilomètres et rien qu’à les entendre parler avec passion de tortues, d’iceberg, de mygales, je comprends bien ce qu’ils ont vécu. Mais, voir la flamme qui brille dans les yeux de « Timo » parlant des caïmans du Brésil et de la destruction de la forêt amazonienne, je sais le bonheur de cette famille construit autour du monde, de ses merveilles et de ses réalités moins roses.

Ils vont terminer tranquillement leur grand voyage par la Turquie puis l’Iran avant de retrouver leur maison dans le Var pour le plus grand bonheur d’Océane qui, maintenant, souhaite vivre sa vie d’adolescente auprès de ses copines ; quoi de plus normal !

22 décembre 2009

Le lendemain, nous avons visité ensemble les ruines de Bosra avec les explications avisées de Zakaria tout en continuant à échanger avec Denis et Nathalie car nous sommes avides de conseils et de bons plans pour la suite de nos voyages. Je souhaite ici les remercier pour la gentillesse qu’ils ont manifestée à notre égard. Ils relatent leur aventure sur le site : www.latortueselene.com.

C’est un peu triste que nous les voyons reprendre la route ; que le bonheur soit sur eux, toujours !

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libertypatAuteur : Postée le 01 février 2010 par libertypat
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Commentaires
vfabre le 19 novembre 2012 à 17:13

Bonjour
J'ai vu que vous aviez rencontré Docteur Riad Kahal. Je le connaissais en tant qu'urgentiste et joueur d'échecs en france et je voulais reprendre contact avec lui mais je ne trouve pas ses cooordonées. Les avez vous ?

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