Traversée des trois Amériques
Carnet de voyage en Amérique

Sand et Franck vous proposent de les accompagner tout le long de leur périple lors de la traversée des trois Amériques, au cours duquel ils réaliseront des reportages ethnologiques et animaliers. Ils n'en sont pas à leur premier coup d’essai : ces deux voyageurs ont déjà entrepris plusieurs expéditions à travers le monde. La nouveauté pour eux, c’est qu’ils vont voyager en Defender !!! Ce qui promet un carnet de route croustillant.
Franck est JRI (Journaliste Reporter d’Images).
Sand est de formation paramédicale (ce qui s’avère très utile au fond de la forêt vierge. Franck a déjà testé !)
Tous deux ont une passion dévorante pour la nature et les découvertes. C’est d’ailleurs au bout du monde qu’ils se sont rencontrés. Un morceau de corail avait meurtri le pied de Franck et c’est Sandrine qui l’a soigné à l’hôpital. Depuis, ils ne se sont plus jamais quittés.
Franck a travaillé de nombreuses années pour la TV et divers producteurs. Depuis quatre ans, ce couple d’inséparables, hors du commun, réalise ses documentaires. Leurs sensibilités vous permet de vivre leurs rencontres comme si vous y étiez, sans fioriture ni artifice car leurs images prises sur le vif font ressortir l’essence même de l’homme, de l’animal, sans jamais porter de jugement.
Leur philosophie de vie : découvrir, apprendre, comprendre, échanger, communiquer, transmettre une autre réalité par le biais de l’image. Leur bonheur est de pouvoir vivre en couple leur passion et de partager avec vous leur liberté. Ils considèrent la terre comme un jardin que l’on doit cultiver, partager et protéger, et non exploiter à des fins inavouables.
Ils sont sûrs que la vie, quelle qu’elle soit, est une aventure unique et positive.





Le 07 février 2007
Nous partons !!!
Nous partons d'Annecy le 5 Mars a 20H30 et nous arrivons au Havre le 6 Mars 2006 avec Gengis (notre 4x4). Nous voila a bord d'un cargo de 214 metres de long sur 60 de large. Gengis est dans la cale; il semble tout petit. Il cotoie 3000 voitures et 1300 containers. Le tonnage du cargo est de 60 000 tonnes. Nous prenons la mer le 6 Mars au soir. Nous voyons disparaitre le quai et nos coeurs se serrent; nous sommes partages par un sentiment de joie et une grande tristesse. A la fois heureux d'aller vers l'inconnu et triste de laisser tous nos amis et notre famille. Nous avons une cabine tres agreable, nous mangeons avec l'equipage. L'aventure commence a bord du bateau.
Apres deux jours et deux nuits de naviguation, nous faisons une escale a Bilbao (Espagne) ce qui nous permet d vous ecrire ces quelques lignes. Le bateau tangue un peu dans le golfe de Gascogne et Sandrine est legerement patraque. Franck va bien. Nous sommes heureux de faire cette traversee car l'equipage est tres sympa. Notre prochaine escale, l'Afrique (Casablanca, Dakar...).
A bientot.
Franck et Sand
Brésil en vue
Depuis notre départ du Havre, nous avons navigués 21 jours, nous avons fait 6 escales dont 2 visites succinctes à Bilbao (Espagne) et Banjul (Gambie). Nous sommes en vue de Vitoria, premier port sur la côte brésilienne. Notre arrivée à Buenos Aires se précise. Plus que quelques jours à bord du « Grande Brasile » et enfin nous pourrons libérer Gengis de ses liens qui le retiennent fermement au cargo, au pont n°3. Il est arrimé sûrement pour éviter tout déplacement dans la cale.
Nous sommes en mer pour 9 jours au total. Nous pouvons faire la traversée en 5 jours mais nous avons de l´avance sur le programme alors nous naviguons plus lentement pour entrer au port de Vitoria (Bresil) à la date prévue.
Nous en avons profités pour visiter le cargo, pour se faire une idée de la vie des hommes à bord et comment se déroule une journée. Ils ont un emploi du temps très chargé. L’activité ne s’arrête jamais, nuit et jour le « Grande Brasile » réclame l’attention de l’équipage. Le bateau est colossal mais nous sentons malgré tout le tangage car nous vivons sur le pont 12 soit à 28 mètres au dessus du niveau de la mer.
L´équipage est suédois (les officiers) et philippin (les techniciens). Nous parlons donc anglais. Ils sont tous très sympas et serviables. La nourriture est mi-suédoise, mi-philippine, très différent de ce que nous connaissons. Particulièrement salée et épicée. La base est pomme de terre, riz, poisson, viande et charcuterie. Ils mettent de la confiture sur la viande!
Notre cabine avec lits superposés, possède une salle de bain WC très fonctionnelle, un bureau et une armoire. C´est petit mais agréable. Nous n´avons pas de hublot. La nuit, le ronronnement du moteur et le tangage nous bercent.
Nous n´avons pas pu résister à l’envie de faire quelques images. Le poste de pilotage, les machines, les exercices d´évacuation avec bateau de sauvetage, l´alerte au feu, les barbecues certains soirs suivis du karaoké… (très typique).
Le bateau "Grande Brasile" fait 214 m de long, 32 m de large, 55 m de haut, environ 80 000 tonnes en pleine charge. Vitesse de croisière 19 noeuds (35 K/H). Consommation/jour en mer 65 T de fuel, au port environ 7 T. Puissance du moteur 22 000 chevaux qui actionnent un arbre de transmission de 15 m de long par 56 cm de diamètre, qui entraîne une hélice de 6 m de diamètre. Un seul moteur à 7 cylindres pour faire avancer "ce monstre" comme me dit sans arrêt Franck. On se sent à la fois en sécurité et tout petit face à l´océan. Quel étrange sentiment de liberté où l´on ne contrôle rien... Assis sur des transats, au pont 13, chaque respiration du cargo nous rappelle que nous sommes dépendant du bon fonctionnement du géant de métal comme du bon vouloir des éléments.
26 Mars. Nous venons de jeter l’encre près des côtes de Vitoria, le commandant nous informe que les autorités portuaires sont en grève et que nous passerons la nuit au large. Le matin, nous attendons avec impatience des nouvelles pour savoir si nous mettrons pieds à terre aujourd’hui.
28 Mars. Nous pouvons enfin descendre à terre. il est 16 heures. Ensuite nous irons à Rio de Janeiro, puis à Santos. Enfin stop en Argentine avec la ville de Zarate et Buenos Aires, notre destination finale prévue pour le 4 Avril.
La suite de notre périple dans quelques jours…
Franck et Sandrine
Notre rêve prend forme
En se levant ce matin, nous sommes allés sur le pont et au loin se dessinaient les buildings de la ville de Buenos Aires. Un sentiment d’apaisement m’envahit et mon regard se porte sur Franck qui me dit « ça y est, nous arrivons ». Au fur et à mesure que le bateau glisse sur le Rio de la Plata, l’image floudée que nous avions de Buenos Aires se précise. Comment dire, c’est comme lorsque l’on prend une photo et que l’on fait la mise au point. Les lignes des bâtiments prennent du contraste et je peux apercevoir une marina où quelques bateaux à voile sont amarrés. Sur le pont de l’un de ces bateaux, des gens regardent rentrer au port le Grande Brasile et je ne peux m’empêcher de leur faire signe de la main...
Le soleil brille. Nous avons plus de chance que lors de nos escales brésiliennes. Le mauvais temps nous aura empêché d’aller sur la plage de Copacabana et de monter à Corcovado, vue imprenable sur la baie de Rio, aux pieds du Christ aux bras tendus. Ce n’est que partie remise, nous reviendrons avec Gengis.
Le temps de faire toutes les manœuvres, le Grande Brasile accoste vers 17 heures. Les formalités douanières sont très rapides. Les documents pour Gengis remplis, nous devons impérativement quitter le navire ; les douaniers nous attendent sur le quai pour vérifier que nous sortons du port. Nous n’aurons pas le temps de dire au revoir à tout l’équipage et nous trouvons cela dommage car ils ont été formidables avec nous. Ils ont été très touchés par le film que nous avons réalisé sur leur vie à bord.
A peine sortis du port, deux « guardias » nous arrêtent et demandent à voir nos papiers et « la seguro » (l’assurance du véhicule). Les embrouilles commencent. Nous leur expliquons que nous venons à l‘instant de débarquer, que nous cherchons à garer Gengis pour passer la nuit et que demain matin nous prendrons le bus pour acquérir notre assurance auto. « Vous êtes en infraction, je dois vous mettre une amende ». Franck fait mine de ne pas tout comprendre à l’espagnol. Je prends le relais pour expliquer la même chose au policier, et finalement, Franck leur fait accepter l’idée que nous dormions dans l’enceinte du port.
Nous passons la nuit dans le parking de la douane. Au petit matin, après un sommeil agité par le va et vient des camions qui emmènent les containers des bateaux à Buenos Aires et vice versa, nous partons prendre le bus pour aller chercher l’assurance.
Je regarde par la fenetre du bus la ville qui défile. C’est une ville tentaculaire. Franck discute et se renseigne sur Buenos Aires et me dit aussitôt que le centre ville a 5 millions d’habitant et englobe dans son arrondissement plus de 25 millions d’habitants. La ville semble gigantesque. Les avenues ont quatre files d’automobiles dans chaque sens. On se croirait à Sydney. Des milliers de personnes marchent sur les trottoirs. La ville est en effervescence. Dans notre précipitation, nous avons oublié l’appareil photo et nous nous sommes promis de revenir faire des images.
Après maintes et maintes péripéties pour obtenir une assurance, nous voilà de retour à Gengis. Il est tard, nous avons faim, nous allons demander à la douane si nous pouvons passer là une deuxième nuit. Au petit matin, nous partirons. Après avoir mangé un « basillo con papas » (viande et pomme de terre frits) nous rentrons nous coucher et nous commençons une nouvelle nuit mouvementée par le va et vient des camions mais heureux d’avoir obtenus notre assurance.
Au lever du jour, tout juste réveillés, Franck mets la clé dans le contact et le moteur de Gengis se fait entendre. Ca y est, l’aventure commence !
Franck et Sand
A la rencontre des argentins
Nous avons traversé les immenses voies rapides de Buenos Aires pour nous diriger sur la route 9 en direction du Nord Est. Les routes sont de bitumes et certaines nationales sont payantes, comme nos autoroutes en France. ...
Nous avons parcourus 700 km à travers le centre est argentin. Les paysages sont d’immenses plaines, relativement sèches en cette saison (l’automne). Des troupeaux de bétails broutent paisiblement dans les prairies. Les argentins sont de très grands consommateurs de viande. Le mode de cuisson à la « parrilla » est très différent du notre ; de gros morceaux de viande sont cuits sur des braises pendant 45 minutes environ. La viande de bœuf doit être bien cuite et juteuse à la fois. Un vrai régal. Il n’est pas question de leur parler de steak saignant.
En route, nous avons de nombreuse fois demandé notre chemin. Les panneaux d’indications sont fréquents dans les villes et très rares sur les routes départementales. Il est plus prudent de se faire confirmer la direction. Les Argentins sont très aimables ; ils nous aident sans problème.
C’est comme cela que nous avons fait la connaissance en bord de route de Gerardo Lazzarini, un garagiste fort sympathique, à Marcelino Escalada (province de Santa fé). Il nous a proposé de rester sur son terrain alors que nous cherchions un endroit pour passer la nuit. Il a une femme et trois filles. La dernière s’appelle « Sol » (soleil en espagnol) « parce qu’elle est comme un soleil dans sa vie », nous dit-il. Nous avons passé une excellente soirée en compagnie de cette famille, à rire, à parler des enfants, de la vie.
Au matin, nous sommes partis pour San Javier, village de 15 000 habitants, au bord du rio San Javier, affluent du rio Parana. En demandant notre route à l’hôtel restaurant Brigadier Lopez, nous avons fait la connaissance du propriétaire, Juan Antonio Duarte, qui nous a offert l’hospitalité et son amitié. C’est un homme généreux et plein de bonnes intensions à notre égard. Nous avons passé Dimanche dernier avec ses amis et sa famille à l’occasion de l’anniversaire de Patricia, sa femme. Il faut vous dire que Juan est un excellent cuisinier.
Depuis trois jours que nous sommes à San Javier, nous profitons pleinement de notre voyage et nous réalisons la chance que nous avons. Actuellement nous sommes dans la maison d’un ami de Juan, Edgardo, au bord du rio San Javier. Le soleil se lève sur la rivière, il est 6 heures. Le chant des oiseaux nous ramène des bras de Morphée. Il y a très longtemps que je n’avais pas senti un bien être pareil. La vie semble douce et sucrée. Je regarde Sandrine se réveiller. Cela me fait penser à une renaissance. Enfin nous prenons le temps de vivre et d’aller vers les autres. Si vous êtes de passage dans le coin, n’oubliez surtout pas d’aller saluer Juan et ses amis.
Franck et Sand
La traversée du Nord Est
Rouler de nuit sur les routes d’Argentine, cela est un véritable tour de force. Comme ils disent ici, « a la noche, la routa esta muy peligroso » autrement dit, la nuit, la route est dangereuse. Pour cause, les routes ne sont pas éclairées et une multitude d’animaux les traversent, aussi bien les animaux domestiques que les animaux sauvages. Nous en avons fait l’expérience car le repas avec nos amis c’est terminé tard et nous avons cru qu’avec Gengis nous pourrions rouler de nuit. Il nous a fallu trois heures pour faire une centaine de kilomètres. Notre route a été ralentie par beaucoup d’animaux qui traversaient dans nos phares. Nous sommes arrivés à bon port et Sandrine m’a fait promettre de ne plus recommencer...
Aux environs de Reconquista, nous avons acheté deux malles plastiques pour ranger le bazar que nous avions accumulé sur la galerie. C’est en demandant à un vendeur de tracteur que nous avons trouvé notre bonheur. Il stockait des malles en plastiques usagées, que les Argentins mettent dans les pick-up pour leurs outils. L’installation des malles sur la galerie fut folklorique car il a fallu changer les serrures de place, fabriquer des plaques en fer pour fixer les malles et avancer la tente de toit. Nous avons pu compter sur la gentillesse infaillible des Argentins qui nous ont prêté main forte et nous ont permis de réaliser ce chantier en une journée.
Après une journée harassante, nous voilà parti à la recherche d’un coin pour dormir. Quelques kilomètres de piste, ne trouvant aucun endroit pour nous installer, nous avons demandé l’hospitalité dans une ferme. Une bonne nuit de repos, nous voilà repartis. Le lendemain soir, nous cherchions un camping et en demandant notre route nous avons fait la connaissance de Mabel et Onil, son fils. Ils nous ont permis de nous installer sur leur terrain, près de la rivière. Une vue sublime, un coucher de soleil extraordinaire. De palabres en palabres, ils nous ont invités à dîner pour en savoir plus sur nous et sur les Français. Une soirée inoubliable faite de rigolades et de bonne humeur. Au risque de nous répéter, ces gens ont un grand cœur. Leur curiosité est sans limite. Ils veulent tout savoir de nous, de notre parcours, d’Annecy. Par chance, nous possédons un livre sur la ville avec de nombreuses photos que Sandrine avait pris soin d’emmener. Quelle bonne idée. Cela nous permet de montrer la différence entre les Alpes française et la pampa argentine. Ils sont ravis. Nous nous couchons tard.
Au petit matin, réveillés par le chant des oiseaux, tout juste sortis de la tente, voilà qu’apparaît Mabel qui insiste pour que nous prenions le petit déjeuner avec eux. Nous sommes un peu gênés et lui proposant en échange de son hospitalité de lui faire un CD de nos photos de voyage. Ses yeux s’illuminent et du fond du cœur, elle nous dit merci. Elle nous embrasse chaleureusement. Elle nous demande de revenir la voir dès que possible.
Nous repartons ému, en direction de Resistancia, au Nord du pays. Les routes semblent infinissables, de grandes lignes droites bien goudronnées. Une végétation dense. Nous avons l’impression que nous rentrons au cœur de la pampa. Un sentiment de liberté. Nous nous prêtons à croire que nous sommes des explorateurs. Sandrine me regarde et sourit. Je retourne à mon enfance, où l’imagination pendant un instant, prend le dessus sur la réalité. Nous, explorateurs ! Et pourquoi pas.
En changeant de province, nous passons des postes de contrôle de la police qui nous arrête systématiquement. A chaque fois les mêmes questions : où allez vous, d’où venez vous ? Mais lors d’un contrôle, une question en plus : « combien pour la participation à la peinture du poste de garde ? ». Nous faisons comme si nous ne comprenions pas et très rapidement nous comprenons qu’il vaut mieux participer à la peinture ! Nous donnons vingt pesos (cinq euros) en guise de bakchich. Ce qui nous permet de continuer notre route sans encombres. Trente kilomètres plus loin, un autre contrôle. Les questions traditionnelles que nous maîtrisons. Mais cette fois, un des policiers nous demande si nous pouvons le déposer chez lui, ce que nous faisons de bon cœur car nous avions pris l’habitude de prendre des autostoppeurs. Nous fûmes surpris que notre hôte de voyage nous permette de passer le contrôle suivant sans soucis. Après l’avoir déposé dans son village, nous continuons notre route en direction de la ville de Salta, au Nord Est. Nous nous arrêtons dans une station service pour la nuit.
Franck et Sand
De Salta à Cafayate, route 68
Après avoir passé une nuit réparatrice, nous décidons d’aller à « Salta la linda » comme il l’appelle ce qui veut dire Salta la belle, à cause de son passé colonial, de son histoire. Des édifices et des musées y abondent. Une ville riche culturellement. Nous, nous la trouvons trop grande et trop bruyante, alors nous décidons de reprendre la route pour Cafayate, petite ville touristique mais pas en cette saison...
La route 68 est celle qui les relie, mais si je peux m’exprimer ainsi, je l’appellerais la route du peintre des cieux. Que d’émerveillements et de beautés défilent sous nos yeux. Des terres ocres se dévoilent au fur et à mesure que nous avançons et des montagnes de toutes formes et couleurs que l’on puisse imaginer. Le bleu du ciel mets en contraste ces merveilles géologiques et nous ne pouvons pas résister : nous nous arrêtons fréquemment pour admirer ce chef d’oeuvre. Le ruban d’asphalte, qui court entre les montagnes, nous dévoile petit à petit la fresque du peintre des cieux. Des verts, des bleus, des rouges…une palette de couleur inimaginable nous remplie d’un bonheur indescriptible. Nous sommes émus devant tant de beautés. De grands cactus majestueux apparaissent de temps à autres pour nous rappeler qu’ici, il fait cinquante degrés à l’ombre. Nous sommes aux portes de la vallée calchaquie, vallée aride, qui pourrait servir de four à pain si les cieux en avaient besoin.
La route que nous venons de vous décrire s’appelle « las Quebradas de Cafayate », quatre vingt kilomètres de pur bonheur. Nous faisons halte à Cafayate, la tête pleine d’images et il nous tarde de continuer notre chemin sur la route 40, qui est pleine de promesses et nous ouvre la porte de la vallée calchaquie.
Franck et Sand
Voyage d’un autre monde
En discutant avec Ariel (patron du tour operator « El Grano de Oro » à Tupiza), il nous propose de suivre avec Gengis une de ses expéditions. Cela promet d’être grandiose et sportif. En effet, ça l’a été dans tous les sens du terme.
Nous partons après les préparatifs de Gengis et l’accord qui nous lie à Ariel est de lui ramener des photos de l’expédition. En route pour quatre jours de pistes et de montagne, de Tupiza au Salar de Uyuni !...
Le premier jour, les décors s’enchaînent et nos yeux sont admiratifs devant tant de beautés. Nous nous arrêtons de cours instants pour prendre des photos et nous devons rattraper le 4x4 de tête, conduit par Sébastiano, guide confirmé, qui a à son bord, trois Français, une Australienne et un Roumain. Il faut dire que Sébastiano n’a pas de temps à perdre car le premier bivouac se trouve à San Antonio de Lipez. Une course à l’« hospedaje » (hôtel) s’engage entre les différents chauffeurs des tours operators. Car dans ce pays, le premier arrivé est le premier servit. Il est impossible de réserver pour une nuit.
La piste sur laquelle nous roulons est faite de tôles ondulées qui nous donnent l’impression d’être dans une machine à laver. Il me faudra plusieurs heures pour comprendre comment rouler sur ces pistes. C’est simple, on pousse le véhicule jusqu’à 80 km/h et dès que l’on aperçoit un trou, on l’évite ou on freine. Une conduite très sportive et très éprouvante. Le soir, à l’hospedaje, je ne demande pas mon reste. Las, éprouvé, je vais me coucher.
Au deuxième jour, dès cinq heures du matin, nous voilà debout, près à remettre ça mais cette fois avec des routes vertigineuses dans la montagne, qui d’après Sébastiano, demandent une très bonne technique de pilotage, ce que nous n’avons pas. La clé dans le contact, un coup de démarreur et Gengis refuse de partir. Mais que se passe t il ?
Après plusieurs essais, notre fier destrier ne réagit toujours pas. Les questions s’enchaînent et la réponse finie par arriver : pendant la nuit il a fait moins vingt degrés, notre gasoil à gelé. Nous sommes condamnés à attendre que le soleil se lève pour réchauffer les filtres à gasoil ; en Bolivie, le gasoil n’a pas d’additifs. Sébastiano roule à l’essence et pour lui, il n’y a pas de problème. Après une brève discussion, nous décidons de le laisser partir et de le rejoindre un peu plus tard avec comme guide à notre bord la cuisinière de l’expédition qui s’appelle Soledad ; le prochain bivouac n’est pas facile à trouver. Gengis démarre une heure après. Nous décidons de le mettre au soleil pour accélérer la décongélation du gasoil. Alors que je recule, le sol se dérobe sous le poids de Gengis et me voilà dans un trou de plus d’un mètre de profondeur ! Sa roue avant droite est à trente centimètres du sol et voilà la bête une fois de plus immobilisée. Je suis pris d’une colère innommable car perdus dans cette montagne, nous pensons au pire.
Mais quatre minutes plus tard, un camion plein d’ouvriers vient à notre secours. Après une heure de travail de forcenés et de bonnes volontés de la part de ces gens, nous revoilà en piste. Soledad nous dit qu’il faut rattraper le temps perdu pour rejoindre Sébastiano. La journée commence mal. Nous sommes dégoûtés de ce qui vient de nous arriver. Nous reprenons la route en espérant que tout ira bien. Sandrine s’empresse de prendre le GPS pour tracer la route car nous avons l’intention de refaire le trajet sans guide et en prenant plus de temps. Très vite, nos tracas sont gommés par la beauté des paysages qui défilent sous nos yeux. Nous prenons quand même le temps de faire des photos. Ce qui promettait d’être une journée infernale se transformât en un vrai bonheur. Nous finissons par rejoindre au bivouac le 4x4 de Sébastiano et en une journée, nous avons appris les prouesses que peut faire Gengis. En montagne, ce franchisseur hors pair nous a permis de refaire notre retard. Une journée de plus de 250 km de montagne avec des pistes exécrables, rochers, sables, trous et ravins, qui ont mis à rude épreuve nos nerfs et notre concentrations, ainsi que la mécanique. Sébastiano avoue qu’il est heureux et soulagé de nous voir arriver entiers au bivouac. Il félicite Franck, car il estime qu’il est un sacré conducteur. Mais l’aventure ne s’arrête pas là. Il faut réparer la roue crevée de Sébastiano. Après quelques temps dans un froid glacial, le travail terminé, nous prenons enfin un bon repas chaud. Nous allons tous nous coucher, la tête pleine d’images. Emmitouflé dans mon duvet, je m’endors sur une phrase magique de Sandrine « Je suis fière de toi mon Amour », Il faut vous dire que nous sommes à 4400 mètres d’altitude et qu’il n’y a pas de chauffage !
Au matin du troisième jour, Gengis égal à lui même, démarre difficilement. Nous suivons Sébastiano tant bien que mal car le coup du gasoil a refait son apparition. Et pourtant, nous avions couvert le réservoir et mis Gengis à l’abri du vent. Après une heure de route, nous nous apercevons que nous ne pourrons pas arriver au prochain bivouac car nous n’avons plus assez de carburant. Tous les 4x4 que nous croisons sont à l’essence. J’ai l’impression que la malchance nos poursuit. Nous décidons de partir dans un village à 170 km de notre point de départ. Il semblerait qu’on y trouve du gasoil en fût, qui stagne là depuis plusieurs mois. Nous arrivons à ce village désertique sous un soleil de plomb et après plus d’une heure de recherche, nous finissons par trouver quarante litres de gasoil au prix fort. Ceci nous permettra de traverser le salar jusqu’à la ville de Uyuni.
Nous voilà repartis pour notre dernière nuit à l’entrée du salar. Là, un hôtel de sel nous attends. Nous nous regardons avec Sandrine, apaisés. Main dans la main, nous admirons le soleil couchant caressant le salar d’une lumière indescriptible. Comme par magie, nos soucis de ces derniers jours se sont volatilisés devant ce décor grandiose que la nature a mis à nos pieds. Je sais que demain ne sera que du bonheur car nous sommes redescendus à 3600 mètres et les nuits sont bien plus chaudes. Demain, Gengis pourra brûler de mille feux ce gasoil qui l’a tant pénalisé.
Avant le lever du soleil, nous escaladons une montagne pour admirer la renaissance du salar de Uyuni. Il nous tarde de partir rouler sur cette immensité de sel qui, aux temps anciens , se trouvait sous l’eau. Aujourd’hui, ce bloc de sel de plusieurs mètres d’épaisseur et de plusieurs milliers de kilomètres carrés, s’offre à nous comme l’ultime récompense de cette expédition. Cela valait le coup de vivre ce que nous avons vécu car la récompense est au-delà de nos espérances. Nous avons l’impression d’être sur une autre planète. Mon rêve d’enfance de voyager dans l’espace va se réaliser. Il me faut juste revenir quelques instants en enfance… Nous sommes émus et roulons sur ce tapis de velours d’un blanc immaculé. Nous avons l’impression de planer. Une larme de joie s’écoule sur ma joue. Je suis envahit par un sentiment de fierté, d’avoir emmené la femme que j’aime dans un endroit qui est tout aussi magique pour moi que pour elle, et de partager un tel bonheur.
Franck et Sand
L´arrivée des cousins à La Paz
La nuit tombe sur l`alto et recouvre la ville d´un froid glacial. Il est 20 heures et les cousins doivent arriver à l`aéroport de La Paz. Nous sommes prêt pour les accueillir. 20H30 Marco, notre ami bolivien, nous dit qu´il faut y aller car nous avons plus d`une demi heure de voyage et ça grimpe. Une fois arrivés à l´aéroport, pas de cousins! Nous faisons demi tour sur nos pas et d´un seul coup apercevons deux têtes bien connues: ce sont eux. Nous sommes content de les voir, eux aussi.
Nous voilà tous les quatre dans le 4x4 de notre ami Marco (un Land Rover de 1974).Après cinq à six cent mètres de route, nous nous arrêtons sur un point de vue pour leur montrer La Paz vue de nuit. Un tapis de lumières s´étale à leurs pieds, car l´alto se situe au dessus de la ville. Juste le temps de fumer une cigarette, il est temps de repartir car la morsure du froid nous pétrifie. Mais celà en valait la peine. Petit à petit, la voiture s´enfonce dans La Paz, les lumières se précisent et la tapis d´étoiles devient une ville et dévoile ses charmes nocturnes. Un arc en ciel de couleur nous envahit. Les regards des cousins se figent sur les magasins qui défilent à travers la vitre. Sand leur explique un peu le fonctionnement de la ville et brièvement leur dévoile le séjour que nous leur avons concocté. Je suis assis devant, Marco fait le chauffeur et d´un seul coup me regarde: "vous avez l´air bien content de voir vos cousins". Oui, en effet. Peu de temps après, nous arrivons chez Marco, oú nous passerons la nuit.
Au petit matin, nous présentons la famille de Marco aux cousins. Au fait, les cousins, se sont Franck et Aurélien dit Mamasse. Une journée de ballade à La Paz pour leur laisser le temps de s´acclimater car nous sommes à 3600 mètres d´altitude et ils arrivent d´Annecy à 450 mètres.
Au matin du 2 Juin, Gengis chargé, nous partons pour notre périple de trois semaines avec un emploi du temps très chargé.
Notre première étape, La Paz-Tupiza, 800 km de route et de piste nous attendent. L´aventure commence dès que le moteur de Gengis gronde. Notre premièr halte se fait à la communauté de K´Hasa Huasa, 5 km après Oruro oú nous passons une nuit fraiche à moins cinq degrés. Un repas frugal calle la faim qui nous tenaille.
Réveillés par un beau soleil, nous voilà en pleine forme, pressés et joyeux de reprendre la route car nous savons que la piste nous attend et nous sommes fortement décidés à rejoindre notre premier point de chute avant la nuit : Tupiza . Un petit déjeuner vite englouti, les quatre compères, plein d’ardeur, s’installent dans le 4x4. La clé dans le contact, un coup de démarreur, et rien ne se passe… Nous nous regardons d’un air ahuri et je renouvelle le tour de clé. Toujours rien ! Et voilà notre première difficulté. Que se passe-t-il ? Est-ce l’alarme, la batterie, les fusibles…Après une journée entière de recherche, d’appels téléphoniques (à trois kilomètres de là), nous finissons par trouver : le courant n’arrive plus au neman, nous décidons de tirer une ligne directe de la batterie à celui-ci. Nous terminons la nuit tombée. Nous passons alors une deuxième nuit à K’hasa Huasa et repartons au petit matin.
Après une journée harassante de piste, de poussière, et surtout de soulagement, nous arrivons à Tupiza, il est 19H30. Ariel, notre ami, nous attendait la veille au soir. Il a l’air inquiet mais soulagé de nous voir. Sans perdre de temps, il nous dévoile le circuit qu’il nous a préparé pour les six prochains jours. Ereintés, nous allons nous coucher.
Il est neuf heures, Mardi 6 Juin, en route pour le sud Lipez. Les paysages défilent, variés, et de plus en plus majestueux. Après quelques heures et quelques centaines de mètres de dénivelés, les effets de l’altitude se font ressentir. Franck et Mamasse sont peu acclimatés. Ils souhaitent goûter la feuille de coca que mastique depuis plusieurs heures notre chauffeur, Sébastiano. Quelques feuilles en bouche forment une balle que l’on glisse entre la joue et la mâchoire. Et la salive fait macérer les feuilles, qui libèrent leurs substances. Il semblerait que les feuilles de coca calment les maux d’estomac et les céphalées dues à l’altitude. C’est une première, les deux compères découvrent les effets pseudo médicamenteux de la coca et ils ont l’air satisfaits. Nous les regardons avec un grand sourire.
Après un bref pèlerinage à l’endroit où Gengis s’était planté à San Antonio de Lipez, nous reprenons sur la route. La montée continue et nous franchissons la barrière des 4900 mètres au « paseo de Martes » où nous avons décidés de cueillir de la « pupusa », plante aux vertus curatrices pour le mal d’altitude. Elle ne se trouve qu’au dessus des 4850m. Nous terminons la journée par une course poursuite entre tours opérators afin d’arriver les premiers aux hôtels pour occuper les meilleures chambres, car ici, en Bolivie, premier arrivé, premier servi.
Au petit matin, nous voilà à la laguna verde, merveille de la nature. Un vent glacial et pénétrant nous poignarde mais n’enlève rien à notre enthousiasme. Nous sommes heureux d’être là. Nous reprenons la route et découvrons la vallée des « hommes volants ». Plus loin, nous profitons d’une source thermale d’eau chaude à 4200m. Quel délice de nous baigner dans une eau à 25°C, qui contraste avec ce vent glacial qui nous colle à la peau depuis ce matin. Une visite aux geysers clôture cette journée.
Au lever du soleil, nous admirons la laguna colorada, qui tient son nom de sa teinte rouge due aux micro-organismes qui y vivent. Une multitude de flamants s’en délectent, ce qui leur donnent leur couleur rose si particulière. Nous passons un désert de pierres et de sable, nous regardons courir des vigognes, craintives.
Le contraste est fulgurant : quelques kilomètres séparent deux mondes ; les lagunas et les étendues désertiques. Posé au milieu de cette immensité de sable, un rocher appelé arbre de pierre se dresse devant nous. Nous sommes interrogatifs quand à la présence de ce rocher imposant au milieu de ce désert de sable.
Après quelques kilomètres de piste cabossée, nous tombons sur une piste aménagée qui surprend Mamasse et le rend admiratif devant ce travail colossal qu’on réalisés les hommes pour pouvoir acheminer les minerais. Cette piste part de San Cristobal, ville minière, jusqu’à la frontière chilienne. Nous savons qu’à partir de ce moment là, nous allons pouvoir rouler à une vitesse respectable et rejoindre notre prochaine étape dans de bonnes conditions.
Nous finissons par arriver à l’hôtel de sel, situé au pied du salar de Uyuni, destination tant attendue, aussi bien par les cousins que par nous. Car la promesse que nous nous étions faites était de montrer cette huitième merveille du monde qui, au sein d’un écrin de soie blanche, possède une perle inestimable : l’île au Pêcheur, la vraie, pas celle que l’on montre aux touristes, et qui s’appelle l’île Incahuasi. Elle est d’une splendeur sauvage, envoûtante.
Nous voilà parti sur cette immensité de sel. Les cousins sont stupéfaits dès que le 4x4 roule sur cette surface alors inconnue de nos hôtes. Pour vous donner une idée, le salar mesure 12 000 km carrés sur une épaisseur moyenne de 40 mètres. Un mélange subtil de sel et de lithium compose cette masse dont on ne connaît pas le poids et qui réfracte le soleil comme un miroir. Sa beauté n’a d’égal que sa dangerosité car la belle s’offre à vous comme une promesse de joie et de découverte mais à tout moment peut devenir un piège mortel si on ne suit pas scrupuleusement les traces qu’on laissés d’autres intrépides, et qui nous servent de guide. Aucun appareil magnétique ne peut fonctionner dans cet espace.
Après quelques kilomètres, la voiture s’immobilise : nous manquons d’essence ! Notre rêve semble s’effondrer. A l’horizon apparaît l’île Incahuasi, tant prisé par les touristes, tandis que sur notre gauche, on devine l’île au Pêcheur. Les questions fusent, comment faire ? Notre GPS nous indique douze kilomètres jusqu’à Incahuasi. « Peut-être trouverons nous là bas quelques litres d’essence » nous dit notre chauffeur. Alors nous fûmes stupéfait de la réaction des cousins. Avec leur bonne humeur habituelle, ils nous disent « en marchant vite, nous serons de retour dans trois heures avec l’essence nécessaire » et les voilà déjà prêts, couvert d’un chapeau, de lunettes de glacier, d’un litre d’eau et en guise d’aliment énergétique, une sucette « chupa chups ». A peine dit, nous les voyons déjà s’éloigner d’un pas rapide et décidé, poursuivis par Sébastiano, le guide, qui lui, trottine pour tenir le rythme qu’imposent Franck et Mamasse. Après quelques minutes, nous les observons à la jumelle et nous ne voyons que trois points semblant onduler sous ce soleil de plomb que réfracte le salar de Uyuni. J’ai l’impression d’être dans le désert et d’apercevoir un mirage.
Reprenant mes esprits, je rejoins Sand qui est resté avec Soledad, notre cuisinière, à bord du véhicule. Tous trois, nous espérons qu’un autre véhicule passera près de nous pour nous porter secours. Mais la piste que nous avons prise, je le sais, est peu fréquenté. L’espoir est mince. Les heures passent. La chaleur accablante. En nous se crée un doute : Et si les cousins revenaient sans essence ? Les connaissant, impossible…Je regarde ma montre qui égraine le temps…
Après plus de trois heures d’attente, un point à l’horizon s’avance vers nous. Petit à petit, il laisse apparaître les formes d’un 4x4. Ca y est, il sont de retour avec quarante litres d’essence, de quoi retourner sur l’île faire le plein. Et alors nous pourrons tenir notre promesse, enfin, les emmener sur l’île au Pêcheur.
Nous reprenons la route, plein d’espoir et de bonne humeur, soulagés mais amer contre notre guide Sébastiano qui nous dit qu’il s’est fait dérober de l’essence à l’hôtel de sel où nous avons passé la nuit. Moi je crois qu’il a oublié de remplir les jerricans de secours. Mais le malaise se dissipe très rapidement dès que nous approchons de notre petit joyau. A nouveau le véhicule se fige et Sébastiano nous dit qu’il ne peut s’approcher d’avantage car le sol devient meuble et dangereux. Il nous faut faire le reste à pied si nous voulons aller sur l’île. Nous partons tous les quatre affronter le dernier kilomètre, pour pouvoir, cette fois, accomplir l’un de mes rêves d’enfance : marcher sur l’île au Pêcheur. Je suis ému et fier de partager avec Sand, Franck et Mamasse ce moment intense qui m’envahit. Enfin, dès que je foule le sol de cette île, pour moi mystique, j’ai l’impression que la terre se dérobe sous mes pieds et je me sens fébrile.Ca y est, j’y suis. Il faut savoir qu’il n’y a que très peu de visiteur qui ont marchés là. Je l’escalade et, arrivé aux deux tiers de son flanc, m’assois pour contempler le salar. Sand me rejoint, je la prend dans mes bras, je suis heureux. Franck et Mamasse apprécient le spectacle tout autant que nous. Cela nous fait du bien de pouvoir partager un moment privilégié. Ces six jours d’expédition et de découverte à travers le sud de la Bolivie nous ont comblés tant par la variété des paysages que par leurs couleurs. Digne d’un feu d’artifice, le bouquet final fût sublime.
Je pense que la suite de notre voyage en compagnie des cousins promet d’autres aventures, car nous avons décidés que les quelques jours qu’ils leurs restent, nous partirons avec Gengis, notre fidèle compagnon, découvrir le lac Titicaca, le lac le plus haut du monde.
Les Cousins, suite et fin
Après cette aventure tumultueuse, un jour de détente et de repos fût fort utile. Nous décidons de partir à Sucre, capitale de la Bolivie. Cette ville paisible et agréable me fait penser à une station balnéaire. Elle s’appelle aussi la ville blanche car les murs des maisons sont d’un blanc immaculé ce qui contraste avec le bleu du ciel particulier qui l’inonde. On croirait déambuler dans une aquarelle provençale. La foule qui y habite est paisible et accueillante. Cela doit venir du climat. Les jardins fleuris se mélangent aux arbres endémiques. Il fait bon flâner le long de ses ruelles qui offrent ombre et soleil ainsi qu’une multitude de petites échoppes remplies du travail artisanal local. Franck et Mamasse sont enchantés. Cette ville coloniale ressemble comme sœur jumelle à une ville du Sud de la France. Nos deux compères vont de boutiques en boutiques, les yeux grands ouverts, pour faire les traditionnels achats de cadeaux souvenirs. Ils me font penser à deux enfants à qui l’on vient d’offrir un gros paquet cadeau. Ils paraissent fébriles et il me semble qu’ils pourraient acheter tout ce qu’ils voient, tellement les couleurs des articles qu’ils voient leurs font pétiller les yeux. Nous sommes heureux de les voir ainsi. Leur bonne humeur naturelle mélangée à leur joie nous fait énormément plaisir. Il faut vous dire que leur gentillesse, leur amabilité et leur volontarisme sur les jours passés ont fait d’eux, à nos yeux, les co-voyageurs les plus sympathiques et intéressants que nous connaissons à ce jour.
Après deux jours dans cette petite ville paradis, nous reprîmes la route pour Copacabana, ville posée sur le sable et bordant l’unique plage de Bolivie, du mythique lac Titicaca, d’une surface de 9 000 kilomètres carrés. D’une de ses rives, nous pouvons apercevoir le Pérou. Ce joyau, qui est le reste d’une mer intérieure, est cerné par la Cordillère Royale. Quelques îles parsèment cette eau cristalline qui nous donne l’impression d’être sous les tropiques mais avec une différence fondamentale : nous sommes à 3 800 mètres d’altitude. Nous voilà tous les quatre bouche bée par ce fabuleux coucher de soleil plongeant sur le lac, lui donnant une couleur or. Quelques embarcations glissent à sa surface, créant un sillon d’ocres, d’oranges et d’ombres, comme un jeu d’ombres chinoises, qui s’évanouissent dans la pénombre. Nous sommes émus par ce spectacle. Pour Sand et moi, cela fût une immense récompense car nous venions de passer un mois dans les montagnes boliviennes, avec certes des paysages somptueux, d’apparence lunaire, offrant des étendues de sable et de pierres à perte de vue, des montagnes multicolores, mais dépourvues d’eau et de végétation. Car là haut, règne la pampa des Andes, le froid et le vent. Les « lagunas » que nous avons pu voir n’offrent que peu de vie et le soleil permet tout juste aux rares buissons de survivre. Donc, vous pouvez comprendre le sentiment que nous a apporté la vue de ce lac.
Le lendemain, nos deux intrépides cousins n’ont pu s’empêcher de se mettre à l’eau, devant le regard étonné des habitants de Copacabana. Il faut dire que l’eau est à 12°C environ et qu’il n’est pas de coutume de se baigner en cette période. Quelques sourires leurs sont adressés mais la majorité des gens qui les regardent les croient fous. Après une brève baignade, il est temps de se sécher et de repartir à l’hôtel pour prendre un repas chaud afin qu’ils se remettent de leurs émotions. Mais je crois savoir que c’était une envie, qui caractérise bien leur détermination.
Le lac Titicaca est une étape car nous souhaitons redescendre vers des climats plus cléments. Pour finir leur voyage en beauté, nous les amenons aux Yungas, partie tropicale bolivienne qui se situe à 600 mètres d’altitude. Cela nous fait un dénivelé de plus de 3 000 mètres. Nous passons d’une température de 10°C en moyenne à 35°C. Notre but : atteindre Coroïco, petit village situé dans les Yungas. Nous pensions prendre une déviation, mais celle-ci étant fermée pour travaux, nous continuons notre route. Et nous nous apercevons très vite qu’il faut rouler à gauche, côté précipice. Au bout d’un kilomètre, nous découvrons que c’est la fameuse « route de la mort », la route la plus dangereuse du monde ! Impossible de faire demi tour. Pour se croiser à deux véhicules, il faut se serrer, nous vers le précipice, les autres vers la montagne. Chaque croisement de véhicule est difficile à négocier car il n’y a pas de marge pour l’erreur. 60% du chemin est fait pour une auto. Quelques virages offrent un refuge nous permettant de nous arrêter pour laisser passer les véhicules qui montent.
Un lourd silence règne dans Gengis. La peur est palpable. La route me demande une grande concentration. Je sais que le lacet qui serpente ces interminables montagnes est extrêmement dangereux. Les falaises qui bordent cette route gardent au fond de ses précipices plusieurs dizaines de véhicules dont la chute vertigineuse et mortelle a déchiré les tôles et emprisonné les corps. Nombreux sont ceux que l’on n’a jamais retrouvés. Je sais à ce moment là la responsabilité que j’ai, celle de quatre vies. Les cousins, Sand et moi.
Après une heure trente de descente interminable, nous arrivons à destination. Je suis épuisé nerveusement mais soulagé. Ca y est. Nous venons de vaincre la route la plus dangereuse du monde. L’atmosphère se détend et nous cherchons un endroit pour nous installer pour la nuit. Nous prenons un chemin escarpé et descendons au bord d’une rivière. Devant un feu, nous discutons des jours passés et de cette fameuse route. N’ayant plus le temps d’aller plus loin, nous devons remonter sur La Paz. Les cousins doivent rentrer en France, leurs vacances sont finies. Il ne reste plus que deux jours. Cette fois, nous reprendrons la route de la mort mais côté montagne. Cela nous semble moins périlleux…
Nous prenons un jour de repos à La Paz. Dès le lendemain quatre heures, nous partons pour l’Alto. Il faut être à l’aéroport pour cinq heures pour enregistrer les bagages. Le temps est passé comme un éclair. Il y a trois semaines, nous leur disions bonjour, et là, j’ai du mal à croire qu’il faut déjà leur dire au revoir. Cela m’a semblé extrêmement court. Il n’y a pas de sentiments pour décrire tout à coup la tristesse qui nous envahit. C’est déjà fini. Juste le temps de voir leurs mains s’agiter et nous les voyons disparaître dans la salle d’embarquement. Le cœur gros, je regarde Sand. Elle ne pût s’empêcher de laisser échapper quelques larmes. Je lui dit : « Ce fût un moment formidable ; nous les reverrons bientôt ».
Et nous voilà repartis en direction de La Paz. Nous garderons en mémoire ces moments inoubliables. Un mélange de tristesse et de joie nous accompagne. Les cousins sont repartis. Merci à vous, Franck et Mamasse, pour les grands moments que nous avons passés en votre compagnie, pour votre bonne humeur, pour votre gentillesse. Il est coutume de dire que l’on ne choisit pas sa famille, mais nous, si nous avions eut le choix, c’est vous que nous aurions choisit.
Découvrez aussi tous les autres carnets de voyage en Amérique proposés par les Visoterriens.