Tour de Suisse à vélo

Carnet de voyage en Suisse

Gstaad Palace

Le départ de Paris a lieu gare d’Austerlitz le mardi 18 juillet 2006 où je prends le train de nuit qui m’emmène jusqu’à Sallanches en Haute-Savoie au pied des Alpes. Départ donc à 22h25 où je me retrouve avec un monsieur de 78 ans dans mon compartiment également à vélo. A peine le coup de sifflet du chef de gare donné et les bagages transportés sous ma couchette, il commence à me raconter toutes ses histoires, car oui, à 78 ans on a des choses à raconter ! Il me parle de ces 3 ascensions du Mont-Blanc, de ses courses à pieds alpestres, de ses exploits et déboires… Enfin, il se décide à se coucher peut-être ayant senti que je voulais un peu dormir quand même ! S’en suivirent ronflements, levers pour voir si on va bien dans la bonne direction ; 2 dans le compartiment mais que d’animation! Finalement il descendra à la Roche-sur-Foron direction Annemasse, Bourg en Bresse, Mâcon et Montceau-les-Mines pour faire les dernières étapes du Tour de France. 3/4h plus tard, c’est à moi de descendre pour le début de l’aventure...

Durée : 1 jours ( du 18/07/2006 au 18/07/2006)
Zone : Suisse (+ de carnets de voyage) (Carnet sélectionné)[?]
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Billou
Carnet de voyage créé par Billou
Le 09 février 2007

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Etape 1 - Sallanches-Argentière 39,5km

Gare de Sallanches, mercredi 19 juillet 2006, 8h15. Après une nuit bien courte ou bien longue, (vous comprendrez !) je me trouve un endroit à l’ombre car le soleil tape déjà et je m’attaque à l’harnachement des sacoches sur mon vélo et je peux vous assurez que ça n’a pas été de la tarte à faire et ce, tous les jours : 6 sangles à mettre pour éviter qu’elles ne se prennent dans la rayons de ma roue arrière. Ce matin-là je mettrai environ 1h pour les fixer car il est vrai que je n’avais pas vraiment fait d’essai avant de partir et je ne pensais pas que ça serait aussi compliqué de les accrocher. J’installe mon road-book sur la sacoche avant et c’est parti pour les premiers coups de pédale direction Argentière pour cette première étape de mise en route.
Au bout de quelques centaines de mètres la route commence déjà à s’élever et je suis comme stoppé avec le chargement. J’ai vraiment eu l’impression d’être scotché à la route, comme si le frein frottait la roue. Je me dis à ce moment là qu’il va vraiment falloir être patient au vu des cols qui m’attendent car il ne s’agissait là que des premières pentes et pas les plus sévères. Le petit plateau est donc de rigueur dès le départ et les grands pignons aussi ! Je double quand même un VTT, je ne dois pas être si lent que ça finalement. Au bout de 3/4h j’arrive à Servoz où je m’arrête car le crochet d’une sacoche frotte contre le petit pignon. J’en profite pour faire quelques photos et pour me restaurer avant l’attaque de la vraie première grimpette. Une fois passée, petite descente qui mène aux Houches ; je fais attention de ne pas aller trop vite car la route est plutôt mauvaise et ça bouge sur le porte-bagages !
Je m’arrête à nouveau pour prendre quelques clichés au pied des glaciers du Taconnaz et des Bossons. Ce dernier est le glacier qui descend le plus bas dans les Alpes (1200m). Il faut ensuite remonter la vallée de Chamonix et bien que je n’emprunte pas la route principale, la circulation est particulièrement dense. J’arrive au terme de cette étape à midi avec une moyenne de 18,5km/h pour 39,5km ce qui me satisfait en sachant qu’il n’y avait quasiment que de la montée.
Le camping est plutôt pas mal, avec un panorama splendide sur tout la chaîne du Mont-Blanc. Cependant, il n’y a que très peu d’arbres ce qui est regrettable. Une fois la tente montée, la douche s’impose et je vais ensuite chercher un peu d’ombre dans les rues d’Argentière où j’en profite pour me ravitailler. Sur le retour, je me pose dans l’herbe à l’abri du soleil car il n’est pas pensable de revenir au camping où la chaleur serait insupportable. Le soleil baissant, je rejoins ma tente et arrive un peu plus tard un couple d’Allemands à vélo alors que de l’autre côté se trouvent des Anglais qui se révèleront être plutôt festifs pendant la nuit…Premier dîner, première boite de conserve : la bonne bouffe quoi ! Coucher à 22h, (ça change !), bonne petite étape le lendemain…

Massif du Mont-Blanc
Glacier des Bossons
Mon compagnon de route
Banff
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Etape 2 : Argentière – Vers L’Eglise , 87,5km

Je me lève vers 8h après avoir passé ma première nuit sous la tente. Il fait bon dehors bien que le soleil soit encore derrière la montagne et que le camping se situe à 1150m d’altitude. Je prends tranquillement mon petit-déjeuner : yaourt, banane, barres céréales, jus d’orange. Un petit tour par les sanitaires et c’est parti pour la première levée de camp. Je commence par vider toutes mes affaires de la tente, les range pendant que celle-ci, au soleil maintenant, sèche. J’essaie de répartir les charges de manière équitable dans chacune des 2 sacoches de 20 litres. Il me faut ensuite ficeler tout ça et finalement il sera 11h quand j’aurais terminé de fixer mes 15kg de bagages sans compter l’eau (un peu plus de 2 litres répartis dans 3 bidons). Je bois bien avant de partir car il fait déjà très chaud et en route pour la Suisse !
La première des trois difficultés du jour est le col des Montets (1461m), 5km à 6% que je passe tranquillement. S’en suit une belle descente vers Vallorcine où je modère ma vitesse car je ne fais pas encore entièrement confiance aux fixations. J’arrive ensuite au Châtelard où se trouve la frontière entre la France et la Suisse. Je passe sans problème la douane et j’attaque le deuxième col de la journée, le col de la Forclaz (1527m). A Trient, avant la partie la plus difficile de la montée, je profite d’une fontaine pour remplir mes bidons car ils sont déjà bien entamés.
Je déjeune au col, les sensations dans cette montée ont été bonnes, je pense terminer l’étape assez facilement à ce moment-là. La descente vers Martigny est très rapide avec seulement quelques lacets au début. A Martigny, je prends la direction du Nord et la descente de la vallée du Rhône. Il fait une chaleur étouffante et le vent souffle très fort de face.
A Aigle, je prends la direction des Diablerets pour la montée qui s’avèrera la plus difficile de tout mon parcours. Dès les premiers mètres de montée, je sens la sueur dégouliner sur mon visage, tout le long de mon corps. La chaleur est caniculaire (au moins 35 degrés), sans vent, la route étant versant sud et la montagne abritant donc du vent. Les pourcentages tournent autour de 7% et pourtant, j’ai l’impression que c’est un mur. Je suis déjà sur mon 28x24 ou 28x26, mes développements minimaux. Je m’arrête une première fois au bout de 2 km, je vide un bidon, je repars, fais 1 km, m’arrête à nouveau revide un bidon, mon dernier… Il me reste à parcourir 4 ou 5 km avant le prochain village… La pente est toujours aussi raide, le soleil toujours de plomb, je ne sais pas comment je vais couvrir les derniers kilomètres. Je sens ma gorge, sèche, qui commence à me brûler en respirant.
Heureusement, au détour d’un virage, j’aperçois une auberge, ouf ! Là, je prends une bonne limonade bien fraîche, remplis mes bidons à ras bord. La serveuse me dit que la pente est moins sévère par la suite ce qui me donne du courage pour repartir. C’est vrai, la route est moins raide mais ça monte toujours bien…
J’arrive enfin à Vers l’Eglise aux alentours de 16h30 et je tombe directement sur le camping que j’avais prévu. Mais malchance, l’accueil n’est ouvert que de 18h à 19h. Par ailleurs, le camping étant uniquement rempli de caravanes et se situant juste au bord de la grand route, je décide d’aller jusqu’aux Diablerets avec les peu de forces qu’il me reste en espérant trouver un autre camping. Arrivé là-bas, je me renseigne auprès d’un paysan du coin qui me dit qu’il n’y en a aucun mais m’indique un endroit où je pourrais planter ma tente et où se trouve déjà en camp scout. Finalement, après avoir fait mes courses, je décide de faire demi-tour et de retourner au camping pour pouvoir prendre une bonne douche et surtout boire à ma soif car j’ai toujours l’impression d’être desséché de partout bien qu’ayant bu plusieurs litres d’eau.
L’accueil au camping est très chaleureux, j’ai un bel emplacement entre 2 caravanes, le moral remonte ! Sitôt ma tente installée qu’il commence à pleuvoir. Il est vrai que j’entendais le tonnerre gronder et voyais le ciel se noircir depuis un moment. L’orage m’accompagnera toute la soirée mais ne m’empêchera pas de m’endormir…

Forclaz
Les Diablerets
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Etape 3 : Vers l’Eglise – Brienz , 117,5km

Le soleil tape déjà sur ma tente quand je me lève ; il fait beau, les orages de la nuit sont passés. Je gagne un peu de temps sur le rangement et pars vers 10h30. L’étape commence par l’ascension du col du Pillon (1546m), court mais bien raide surtout à froid (moi, pas la température !). Les 3 derniers km sont à quasiment 9% de moyenne mais les jambes suivent tout de même malgré les efforts de la veille. La descente vers Gstaad est roulante et je m’y arrêterai pour déjeuner.
Gstaad est une ville réputée pour son luxe, ses grands palaces accueillant des stars internationales comme Sean Connery. Je reprends la route direction Saanen, après avoir contemplé le Gstaad Palace Hotel (5 étoiles), dominant la ville. Après Saanen, je suis surpris par une petite montée (6km à 5%) qui n’était pas clairement visible sur ma carte mais que m’avait pourtant signalé le gérant du camping de la veille. Cette petite grimpette m’emmène vers Saanenmoser (1280m), la station de ski du coin avec Gstaad.
De là, on peut voir aussi bien les grandes étendues vertes du Saanenland que les sommets enneigés du massif des Diablerets non visibles la veille. A Zweisimmen, après quelques km de descente, je profite d’une fontaine sur la place du village pour faire le plein d’eau car je n’ai pas très envie de revivre l’expérience d’hier… Je resserre les sangles de mes sacoches mais après quelques minutes, à la traversée d’une voie de chemin de fer, voilà que tout commence à se prendre dans les rayons. Je freine net, je suis inquiet pour la roue arrière. Finalement aucun des rayons n’est abîmé, heureusement ! Après cette belle frayeur, je m’attaque au rattachement de mon chargement avec encore plus de précaution, mais la technique d’accrochage n’est toujours pas au point…Je repars prudemment, ça a l’air de tenir tant bien que mal…
La descente de la vallée vers le lac de Thun est assez roulante aussi bien en termes de circulation automobile que de vitesse à vélo bien qu’avec le vent de face. Cependant, la plupart des routes suisses sont très bien aménagées pour les vélos qui ont la plupart du temps une zone protégée. A l’approche du lac de Thun et de Spiez, la route se divise en plusieurs segments ; sur mon parcours initial, je n’avais vu qu’une voie express passant par le sud du lac pour rejoindre Interlaken mais voilà qu’il y a d’indiqué un itinéraire vélo. Je n’aurai donc pas à faire le détour par Thun pour rallier Interlaken. La route menant au lac est assez accidentée, surplombant le lac avec une vue magnifique sur celui-ci.
J’arrive à Interlaken, nom du au fait que cette ville se situe entre 2 lacs, ceux de Thun et Brienz. De là on peut apercevoir par temps dégagé quelques sommets dont la Jungfrau (4158m). Malheureusement, le ciel est déjà bien chargé et je ne verrai rien. J’avais initialement prévu qu’Interlaken serait mon arrivée d’étape mais pour plusieurs raisons je décide de continuer un peu plus. D’une part, la ville est bondée et j’ai plus envie de m’en éloigner qu’autre chose. D’autre part, il est encore tôt, l’étape du lendemain est très difficile et je décide donc de prendre un peu d’avance.
Finalement arrivé à Brienz, à l’extrémité est du lac du même nom, je me ravitaille et pars à la recherche d’un camping. J’en trouve un au bord du lac, luxueux avec grand emplacement et une vue très dégagée. Le ciel menaçant, je plante vite ma tente et pars ensuite aux douches, où j’ai du prendre la douche la plus longue de ma vie ! Le portable rechargé, je lis, tout en dînant, tous les messages d’encouragement qui me sont adressés, ça me fait du bien. Je regarde ensuite d’un peu plus près l’étape du lendemain, avec un des cols parmi les plus longs et plus durs des Alpes, le Sustenpass, un ‘gros morceau’…

Gstaad Palace
Gstaad
Saanenmöser
Saanenmöser
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Etape 4 : Brienz - Flüelen , 95km

Encore une journée de beau temps qui s’annonce, le ciel s’est dégagé pendant la nuit. Nous sommes samedi, beaucoup de personnes partent du camping, d’autres sont arrivés tard hier soir. Pour moi, c’est le même rituel qui prend un peu moins de temps de jour en jour. La forme a l’air bonne, je pars donc à l’assaut de ce molosse qu’est le col du Susten. Les premiers kilomètres sont totalement plats, sur une piste cyclable totalement à l’écart de la route principale. Je suis donc échauffé quand j’aborde la première montée entre Meiringen et Innertkirchen : une petite bosse de mise en jambes avant la montée du Sustenpass (2224 m).
Innertkirchen : nous y voilà : un rond point, plusieurs panneaux directionnels, celui de Wassen, indiqué à 47km. Entre temps, 28 km de montée à quasiment 6% de moyenne, des passages à plus de 10%, plus de 1600 m de dénivelé, et une descente de 19 km. Les premières rampes sont raides, je mouline bien, je sais que j’en ai pour un bout de temps. J’aperçois un peu plus haut un cycliste bien chargé aussi, ce sera mon repère pendant la montée. Le compteur se cale aux alentours des 10km/h, je fais un rapide calcul : 3h d’efforts intenses m’attendent si je tiens à cette allure. Je reviens petit à petit sur le cyclotouriste me précédant. J’arrive à sa hauteur, on se salue, ça m’a tout l’air d’être un allemand. L’attachement de son chargement est assez artisanal, si bien que quand il se met en danseuse, j’ai bien peur que tout fiche le camp... Je le passe, chacun continuant à son rythme.
Après 12km d’ascension et 600m de dénivelé, j’arrive à Gadmen (1200m), dernier village avant Wassen. Je m’arrête pour déjeuner, la ville est désertique, il y a juste l’épicerie d’ouverte. La route est passante, surtout de motos et de vélos. Au loin, les glaciers et sommets enneigés m’indiquent le chemin me restant à parcourir. Après une bonne pause, je repars à l’assaut de la montagne. La deuxième partie de l’ascension est plus raide et avec les efforts déjà cumulés s’avèrera de plus en plus dur. La vitesse baisse autour de 8 ou 9 km/h, ça n’avance pas. Malgré tout je reste patient, je profite des paysages somptueux tout en restant concentré sur la route : bien serrer à droite mais pas trop car le ravin n’est souvent pas loin ! Je repasse l’Allemand qui m’avait doublé pendant ma pause. Il est arrêté à son tour, il a l’air bien éprouvé. On s’encourage à nouveau.
Je prends une nouvelle pause, à l’Hôtel Restaurant Stein, à 1877m d’altitude, à hauteur du lac Stein à couleur plutôt grise. A son amont se trouve le glacier du même nom ou du moins ce qu’il en reste, résultat du réchauffement climatique. Si on lève un peu plus la tête, ce sont les sommets qui dominent, recouverts d’un épais manteau de neige ou de glace. Il faut à présent que je reparte, car à cette altitude, bien que ce soit la canicule, je me refroidis tout de même un peu. Il me reste 4 km de montée, je repasse une nouvelle fois l’Allemand, arrêté au bord de la route. Cette fois, on se lance un regard voulant dire : « c’est bon, on y est, on tient le bon bout ». C’est vrai, l’arrivée n’est pas loin, juste 2 ou 3 lacets plus haut. Le final du col se fait entre les névés, la température est plutôt fraîche mais le soleil cogne bien.
Il y a foule de motards en haut, mais les cyclistes sont aussi très nombreux, de toutes nationalités. Une anglaise, anglophone en tout cas vient me voir et m’explique que son pneu a éclaté durant la montée. Malheureusement, je ne pourrais rien pour elle. Le cycliste allemand arrive à son tour au col, bien content d’en avoir fini, il repartira aussitôt après avoir enfilé un coupe-vent. Je prends plus mon temps, il n’est que 14h30 et le reste du chemin est descendant tout du long. Le défilé de motos et vélos est incessant, certains s’arrêtent, d’autres filent. Je me décide à repartir au bout d’une petite demie-heure, vérifiant au préalable mon chargement. Une fois tout resserrer, je mets mon coupe-vent et me lance dans la descente.
Les premiers kilomètres sont assez sinueux mais la suite est très rapide. Je reste relativement prudent et ne dépasse pas les 70km/h tout en ayant la main sur le frein. L’air à cette vitesse là fouette le visage et je sens qu’il est de plus en plus chaud au fil de la descente. J’arrive à Wassen, au bas du col, en une vingtaine de minutes pour les 19 km parcourus doublant au passage quelques voitures. Un feu rouge me stoppe. Il fait une chaleur étouffante, la différence de température entre le col et la vallée est impressionnante, 20 degrés, peut-être plus.
La route qui mène vers le lac des 4 cantons et que je dois emprunter est bien chargé. Le ciel aussi se charge de nuages très menaçants, bien plus en avance que les jours précédents. Je décide donc d’accélérer et de ne pas trop m’économiser, étant donné que le reste de l’étape est en faux plat descendant et qu’il n’y a plus de difficultés à franchir. Quelques gouttes commencent à tomber, rien de méchant pour l’instant mais je m’arrête quand même bien avant mon arrivée d’étape pour me ravitailler et tout bien protéger. Il n’est alors que 16h15 mais les magasins sont déjà fermés et pour cause nous sommes samedi. Je savais qu’ils fermaient plus tôt ce jour-là mais je ne pensais pas avant 17h tout de même. Je parviens toutefois à faire mes courses après avoir presque supplié les employés d’une superette qui étaient en train de faire le nettoyage de me rouvrir leurs portes !
Le temps s’est nettement dégradé pendant mon petit quart d’heure passé dans le magasin, et quelques secondes après être ressorti la pluie se met à bien tomber. De toute manière, il était évident qu’à un moment ou un autre de mon trajet je me retrouverais confronté aux intempéries, alors je fais avec! J’arrive enfin à Altdorf, à l’extrémité sud du lac des 4 cantons, bien trempé, à la recherche du camping où je dois passer la nuit. Sur la place de la ville, pas de panneau indiquant la direction à suivre, je vais donc me renseigner chez une marchande de glace bien seule sous la pluie. Elle ne sait pas, je poursuis ma route dans la ville. A là sortie d’Altdorf, toujours rien, juste une station service... On m’indique que le camping se situe environ 1km plus loin. Il s’avère qu’il n’y a que des mobil-homes dans celui-ci et aucun emplacement où mettre une tente, aussi petite que soit la mienne. Par chance, la gérante de ce camping m’en signale un autre, 3 km plus loin, à Flüelen, au bord du lac.
Le cadre aurait été idéal si le temps avait été meilleur... Là aussi, il n’y a que des caravanes et mobil-homes, hormis une toute petite parcelle réservée aux tentes. Je profite d’une accalmie pour monter la mienne. Je passe la soirée dedans, sans connaître mes voisins, ni même presque les entendre, bien qu’à moins de 2 mètres d’eux, puisque le tonnerre gronde et la pluie claque violemment sur la toile de la tente. Je fais juste deux fois l’aller-retour en vitesse jusqu’aux sanitaires. L’imperméabilité de la tente est mise à rude épreuve mais je reste à peu près au sec tout de même! Le plus dur est de faire la popote puisque je peux à peine me tenir assis et que le réchaud n’est pas en position très stable et il ne vaut mieux pas qu’il tombe... J’arrive à manger plus ou moins proprement mon ragoût d’un goût jamais encore trouvé en France, plutôt spécial mais j’ai faim donc je le finis! La malchance étant de mise ce soir-là, je me prends le réchaud encore chaud (trop chaud en tout cas) sur la cuisse, ce qui me vaudra une belle brûlure...
Je terminerai ma soirée bien tôt ce soir-là, en repérant l’étape du lendemain, en espérant qu’elle s’effectuera sous de meilleures conditions climatiques. La fatigue accumulée pendant la journée n’aura aucun de mal à l’emporter sur le bruit de la pluie et je m’endormirai sans aucun problème.

Route du Susten
Gadmen
Glaciers
Route du Sustenpass
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Etape 5 : Flüelen – Murg, 92 km

Une nouvelle fois, le ciel s’est dégagé pendant la nuit laissant juste quelques nuages de beau temps. Je fais connaissance avec mes voisins : à gauche se trouvent un père accompagné probablement de son fils et sa fille, tous à vélo également. A droite campait un couple germanophone pied avec leur berger allemand. Tous s’affairent à ranger leurs affaires après le petit déjeuner : séchage puis pliage de tente et rangement de toutes les affaires dans les sacoches ou sac à dos. Je pars bien après eux après avoir attendu que la toile de ma tente sèche bien afin de ne pas me surcharger inutilement avec le poids de l’eau. La couleur du lac a changé et est bien plus claire que la veille, grâce aux rayons du soleil se reflétant dans l’eau.
La route que j’emprunte est doublée en partie avec une piste cyclable longeant le lac ce qui est très agréable. Arrivé à Brünnen, on peut voir le lac des 4 cantons sur sa partie ouest et sud. Cette ville ressemble à une station balnéaire et sa beauté lui fait parfois porter le nom de ‘Perle du lac des 4 cantons’. Ma route quitte là les hauts sommets de la Suisse centrale et les prochaines difficultés sont plus faciles. Celle qui m’attend là s’agit plus en fait d’un faux plat montant mais très long, d’une petite quinzaine de kilomètres.
Les paysages de moyenne montagne sont non moins magnifiques que ceux rencontrés la veille à des altitudes supérieures à 2000m : prairies verdoyantes quasiment désertes... Quelques kilomètres avant que la route ne rejoigne celle bordant le lac de Zürich je pars vers l’est et arrive à Sihlsee vers midi, splendide lac à 900m d’altitude. Un pont de 2 km rasant l’eau permet de le traverser, j’ai presque l’impression de pédaler sur l’eau !
Après avoir déjeuné, je repars avec au programme une petite difficulté : le Sattelegg (1190m) : plus de 3 km à un pourcentage moyen supérieur à 8%, de quoi bien digérer ! Une longue descente mène ensuite vers la plaine, très sinueuse et technique. Ne s’agissant pas de compétition et avec la charge transportée, je modère une nouvelle fois ma vitesse et prend les virages avec précaution. Une fois dans la vallée, je prends la direction est pour rejoindre Murg, terme de cette étape, au bord de Walensee. Un petit vent de dos m’aidera à avancer plus vite mais pas à me rafraîchir et des fontaines, présentes quasiment dans tous les villages traversés, sont les bienvenues.
A l’approche du lac de Walen, une nouvelle piste cyclable est présente mais elle ressemble plutôt à une piste de cyclo-cross, non goudronnée par endroit. Et quand elle longe le lac, elle ressemble à des montagnes russes ce qui m’oblige même à descendre de mon vélo tellement une montée me surprend par sa raideur. Même à pied, j’ai du mal à hisser mon vélo en haut de ce mur. Les couleurs de ce lac sont aussi belles que celle du lac des 4 cantons, les bleus du ciel et de l’eau se confondant presque.
J’arrive bien tôt au terme de cette étape, aux alentours des 15h, de quoi prendre un peu de repos et réfléchir aux prochaines étapes. A l’initiative, je m’étais prévu une journée de repos ici-même mais la condition physique étant là, je me dis que ce serait bête de couper le rythme. L’idée me vient donc de ne reprendre la route que le lendemain après-midi vu que l’étape suivante prévue est relativement courte. J’aurai ainsi toute cet après-midi plus le lendemain matin pour recharger les batteries au maximum bien que ne donnant pas de signes de faiblesse.

Lac des 4 cantons
Lac des 4 cantons
Sihlsee
Sihlsee
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Etape 6 : Murg – Flims-Waldhaus, 80,3km

Je me lève beaucoup plus tard que d’habitude, prenant une bonne nuit de repos. La journée s’annonce encore caniculaire, j’ai déjà très chaud rien qu’en me promenant le long du lac et dans la ville, très touristique. De l’autre côté du lac se trouve le village de Quinten qui a la particularité de n’être atteignable qu’en bateau ou à pied. En effet aucune route n’y mène en raison du terrain très escarpé où ce trouve Quinten.
Comme prévu la veille, je décide donc de repartir tôt après le déjeuner pour parcourir les 80 km qui me séparent de Flims-Waldhaus dans les Grisons. La route longe le lac jusqu’à Walenstadt, extrémité est de Walensee. Je continue en direction du Liechtenstein. Ce sont mes premiers kilomètres où la route ne rend pas bien, le revêtement n’étant pas lisse. ce qui est assez rare pour le réseau routier suisse. J’arrive à Sargans, où j’en profite pour remplir mes bidons. De là, je prends la direction nord, pour faire un petit détour par le Liechtenstein et pour m’accorder une petite montée supplémentaire. Et je ne serai pas déçu ! Après avoir du affronter un vent de face terrible pendant environ 5 km, je tourne à gauche peu après Trübbach, patrie de Martina Hingis pour la petite histoire, et me retrouve sans le savoir au Liechtenstein, un panneau m’indiquant que je suis dans la ville de Balzers. La frontière est inexistante ou bien discrète. D’un coup d’oeil, on peut apercevoir la plus grande partie de ce territoire très montagneux de 160 km². Je fais le tour de la ville, aux maisons très colorés. L’endroit est désertique, je n’aurais même pas l’occasion de voir un Liechtensteinois (à vos souhaits !) dans la rue ! Je repasse la frontière cette fois-ci visible par les drapeaux nationaux et régionaux des 2 pays, rien de plus, et j’attaque le Luziensteig. Je suis surpris par la raideur de cette côte de 4 km qui frôle souvent les 10%. L’endroit est vierge de toute habitation, j’avais rarement vu d’aussi vastes prairies sans aucune trace humaine.
Une fois franchi le sommet de ce petit col, on se retrouve au pays d’Heidi, Heidiland, lieu où se déroule l’histoire de la jeune orpheline Heidi, romancée par Johanna Spyri. Le chalet d’Heidi se situe à Maienfeld, ville habituellement très fréquentée de Japonais, fans du roman, mais je ne verrai aucun car touristique. Je rejoins Landquart, ville la plus à l’est de mon parcours, je suis donc à partir de ce point-là sur le chemin du retour ! Je remonte ensuite la vallée du Rhin, petite rivière à ce niveau-là. Le vent violent dans mon dos cette fois me porte littéralement, j’atteins des vitesses en faux plat montant assez exceptionnelles compte tenu du chargement, autour de 40-45 km/h. La liaison avec Coire, chef-lieu des Grisons se fait donc rapidement.
La ville est grande, la plus importante que je traverserais, et je retrouve là les joies de la circulation urbaine, avec son lot de feux, de rond-points, et de conducteurs exemplaires ! Je poursuis la remontée de la vallée du Rhin jusqu’à Tamins, avant de bifurquer sur la droite et d’attaquer la réelle difficulté du jour qui me mènera à la station de Flims. La chaleur est étouffante, je me retrouve à l’abri du vent, en plein soleil, comme le deuxième jour. Il me reste très peu d’eau et je dois l’économiser jusqu’au terme de l’étape ne sachant pas si j’allais trouver une fontaine sur la route. Au bout de quelques kilomètres d’ascension, je m’arrête profitant d’un coin à l’ombre, pour essayer de me rafraîchir car je sens la chaleur me monter à la tête. Je m’arrose le visage au goutte à goutte pour garder de quoi m’hydrater aussi. Je reprends la route, le soleil est vraiment de feu. Le paysage est magnifique mais je n’ai pas la lucidité de prendre des photos, je suis à moitié ailleurs. Un peu plus haut, j’arrive à un croisement, avec un tunnel d’un côté et la poursuite de la montée de l’autre. Le choix est vite fait : le tunnel est interdit à tous les véhicules non motorisés. Je continue donc de grimper, heureusement le sommet n’est pas loin et ô miracle, une fontaine m’y attend ! Il vaut mieux ne pas regarder dans la fontaine (pleine d’algues), mais l’eau n’a pas mauvais goût, je me réhydrate et m’asperge donc au maximum.
Après cette nouvelle pause bienvenue, je continue de récupérer avec une petite descente qui rejoint l’autre embouchure du tunnel. Aussitôt après, la route s’élève à nouveau et je me remets à mouliner. Et au bout de 4 km, j’arrive à Flims ! Je fais mes courses au premier commerce, je me fais quelques plaisirs comme chaque soir, chips au paprika, gâteau ; bref, rien de bien diététique ! Je pars ensuite à la recherche du camping, et après avoir eu peur de le rater, je le trouve finalement à la sortie du village en contrebas de la route. Il est assez tard, vers les 18h, et déjà toutes les tentes sont installées dans la parcelle réservée à cet effet. Je n’ai pas le choix, il ne reste qu’une petite place au milieu, sur le terrain où les enfants jouent au ballon. Et je passerai la soirée entre les cris et les tirs... Rien de reposant après cette journée épuisante...

Liechtenstein
Château de Balzers
Balzers
Balzers
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Etape 7 : Flims-Waldhaus – Realp, 80,1 km

Le soleil continue de briller mais la température est plus supportable, le camping se situant à 1100 mètres d’altitude. L’étape commence très tranquillement avec pour démarrer une descente assez marquée jusqu’aux environs de Ilanz à 750 m. Ensuite, la route s’élève en direction du col de l’Oberalp culminant à 2046 mètres. Le début du col est très roulant, il ne s’agit en fait que d’un faux plat assez marqué sur une route relativement large est passante. Je remonte en fait la vallée du Rhin antérieur. Les paysages sont toujours magnifiques avec des sommets enneigés en toile de fond.
Plusieurs chemins cyclables sont indiqués de par et d’autre de la route mais je n’ose pas les emprunter par manque de confiance en ceux-ci. Je ne veux pas me retrouver à l’écart de la route sur des chemins caillouteux et accidentés. Pourtant, peu avant Trun, après une petite vingtaine de kilomètres d’ascension je décide d’en prendre un. Mauvais choix. Pourtant celui-ci m’inspirait plus que les autres et les premiers hectomètres sont goudronnés donc idéaux. Mais vite, une bifurcation en direction de Disentis, là où je dois me rendre, m’oblige à me diriger vers un chemin de terre accompagné rapidement de cailloux. Et là commence la galère avec toutes les vibrations que je peux ressentir, la perte de temps, et surtout la peur de voir mon chargement se décrocher d’un instant à l’autre avec toutes les pierres sur le passage. Les VTTistes ou encore randonneurs à pied se seraient faits plaisir sur ce secteur mais ça m’énerve plus qu’autre chose à ce moment-là !
Finalement, après plusieurs kilomètres, le chemin rejoint une piste goudronnée Immédiatement après, une montée d’un pourcentage impressionnant me surprend. Je vois plusieurs cyclistes pousser leur vélos tellement la pente est raide. Je me hisse en haut de ce mur avec mon 28*28 (un tour de roue par tour de pédale, soit 2,15m par tour de pédale) en appuyant bien sur les pédales. Arrivé en haut, et à mon grand étonnement, je vois une famille à vélo prête à se remettre en selle. Le père tire une charrette avec un enfant dedans, la mère et une fille sont sur un tandem adapté à leurs tailles et le troisième enfant, un garçon d’une dizaine d’années a son propre vélo. Et ils sont accompagnés d’un beau volume de bagages !
Au bout d’une dizaine de kilomètres à l’écart de la route principale, me voici à nouveau dessus, et je rallie rapidement Disentis, ville connue pour son monastère. C’est l’heure du déjeuner et les magasins viennent juste de fermer leurs portes. Je n’ai plus grand chose comme vivres et j’aurais bien aimé me faire un bon déjeuner. Les barres céréales et abricots secs feront l’affaire une fois de plus avant le début de la réelle ascension de l’Oberalpass. La pente est encore très raisonnable, de l’ordre de 3%, ce qui me fait craindre le pire pour la suite, car il va bien falloir que j’atteigne les 2046m du col et je ne suis encore qu’à 1250m. A Sedrun, par chance, je trouve un distributeur automatique à une station-service et j’achète un pseudo-sandwich à je ne sais quoi mais mangeable ! (espèce de biscuit croquant avec comme garniture une crème au goût indescriptible...) En dessert, je prends un gâteau aux framboises beaucoup plus appétissant.
Je me remets ensuite en selle, et c’est parti pour 8 km de montée à quasiment 8% à la sortie de Rueras. Je m’arrête juste un instant pour remplir mes bidons à une fontaine et m’asperge bien car il continue de faire chaud. Après 200 mètres environ, je m’aperçois que j’ai oublié de remettre un gant, je fais demi-tour en vitesse et repars aussi sec. La montée est raide, à flanc de montagne, la circulation est importante avec beaucoup de cars qui peinent à prendre les virages en arrivant dans la partie finale. Pour les cyclistes, les lacets ne sont pas très serrés ce qui permet de bien relancer à la sortie de chacun d’eux. Le vent souffle relativement fort et me porte bien sur certaines parties mais me ralentit sur d’autres.
Finalement, j’accède au col assez vite et le parking qui s’y trouve est bondé. Il faut dire que l’endroit se situe sur un grand axe de circulation et même le train y passe avec une gare ferroviaire. Je me désaltère d’un coca bien frais et j’achète par la même occasion quelques cartes postales. J’espère arriver assez tôt pour en écrire quelques-unes. La descente qui mène à Andermatt est très rapide, pas trop raide et sans difficulté : route large, revêtement impeccable. Andermatt, à 1400 mètres d’altitude est un grand carrefour routier et ferroviaire entre les routes du Gothard (sud), de la Furka (ouest), de l'Oberalp (est) et du Nord de la Suisse. Il est encore tôt dans l’après-midi mais l’étape est pratiquement finie, je me ravitaille donc pour le reste de la journée et achète encore quelques cartes postales et timbres car j’aurai tout le temps d’écrire à la famille et aux amis à mon arrivée au camping. A mon plus grand étonnement, je croise un char de l’armée suisse dans les petites rues d’Andermatt. Bien que neutre, la Suisse est très bien équipée militairement.
Je prends la route en direction de l’ouest et donc du col de la Furka et mon étape s’achève peu avant Realp, une dizaine de kilomètres après Andermatt, à plus de 1500m. Je plante ma tente au fond d’un camping plutôt rupestre, sans électricité, avec une seule douche où je ne paie que 10 Francs suisses soit l’équivalent de 7 Euros. C’est très raisonnable par rapport aux campings où j’ai déjà fait étape et où le prix était quasiment doublé. Il est à peine 18h quand ma journée est vraiment finie (campement installée, douche prise) et j’ai donc tout le temps d’écrire mes cartes postales. Quelques gouttes et coup de tonnerres accompagnent ma soirée avec un superbe ciel rosâtre avant la nuit. Le contraste avec la veille est impressionnant, où les enfants piaillaient. Là, le calme est saisissant. Je me couche peu après 21h ce soir-là, en pensant à la route du lendemain qui sera longue...

Vallée de l'Oberalp
Disentis
Sedrun
Village suisse
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Etape 8 : Realp – Martigny, 157,8 km

La nuit a été très fraîche, je me suis réveillé à cause du froid. Il fait encore plutôt frisquet quand je me lève, avant 8h. La rosée est bien présente. Je prends un copieux petit déjeuner comme à l’habitude et me prépare pour cette 8ème étape. Le rangement des affaires dans les sacoches est enfin bien rodé, l’harnachement aussi.
Je ne perds pas de temps ce matin là et m’attaque au bout de quelques kilomètres à la seule et grosse ascension du jour, le col de la Furka, un endroit qui m’avait émerveillé la fois où j’étais passé avec ma famille à l’été 2000 avec son célèbre glacier du Rhône. A Realp, je trouve une boîte aux lettres mais je me dis que je posterai les cartes postales écrites la veille au col pour que les destinataires aient le cachet du glacier du Rhône !
Le pied du col est très raide, aux alentours de 8-9%. Quelques zones de travaux me ralentissent et me coupent légèrement dans l’effort mais les jambes sont bel et bien encore là, il s’agit encore une fois de ne pas se mettre en sur-régime. La route monte à flanc de montagne les premiers kilomètres et le camping reste visible. Je peux ainsi voir ma progression et ma prise de hauteur ce qui est toujours encourageant ! Mais au détour d’un virage, j’aperçois le col qui est encore à une bonne distance... Moins enthousiasmant cette fois-ci !
La pente est somme toute moins accentuée par la suite, dans les 5-6%. Je prends une première pause ainsi que quelques photos et double un cycliste à qui il manque une jambe. Il doit bien en baver aussi ! Je ressens ensuite mes premiers moments de lassitude quand je vois le haut du col et que j’ai l’impression de ne pas m’en rapprocher alors que les véhicules motorisés déboulent à toute vitesse sur cette partie peu sinueuse. Les kilomètres donnent comme l’impression de s’allonger au fur et à mesure que je les accumule. Au bout de cette partie du col interminable, un passage à plus de 11% m’oblige encore à ralentir mais il est de courte durée. Le final du col très raide, avec pas moins de 8% de déclivité mais l’extrême fin est moins ardue.
Le Furkapass culmine à 2436 mètres au dessus du niveau de la mer et la fraîcheur se fait nettement ressentir surtout qu’il n’est qu’à peine plus de 11h. Je demande à une cycliste qui m’avait doublé au pied du col de me prendre en photo, ce sera la photo souvenir de ce périple ! Je commence ensuite le début de la descente pour m’arrêter peu de temps après au glacier du Rhône.
L’endroit est très touristique et l’accès au glacier est payant mais il peut quand même être contemplé de la terrasse au bout du magasin de souvenirs. Je prends quelques photos mais m’empresse de récupérer mon vélo car il n’est attaché que d’un cadenas faisant plus office de dissuasion que de sécurité. Aussi, tout le matériel dans les sacoches est accessible à tout ceux qui veulent se servir comme à chaque fois que je dois le quitter notamment pour faire mes courses. Je vais ensuite m’acheter un sandwich mais malgré la faim qui se fait ressentir je ne prends rien d’autre car la nourriture à 2100m d’altitude n’est pas donnée dans un endroit de surcroît très visité. La vue est vraiment magnifique et la descente est visible jusqu’à Gletsch ainsi que la montée du col du Grimsel.
J’enfile mon coupe-vent et me voilà parti pour cette descente périlleuse dans ses premiers lacets mais qui est ensuite très roulante. Cependant, je bride ma vitesse par prudence à 60-70km/h. Je stoppe mon élan pour prendre encore quelques clichés du glacier du Rhône. De ce point-là il est inévitable de constater les conséquences du réchauffement climatique. La partie rocheuse en aval du glacier était encore il y a quelques années recouverte d’une épaisse couche de glace aujourd’hui disparue. Je reprends vite les commandes de mon engin de vitesse qui sera très difficile à manier vers l’arrivée sur Gletsch, un vent tempétueux s’étant mis à souffler d’un seul coup. Là, je crains qu’il ne remonte de la vallée du Rhône auquel cas il me ralentirait fortement pour la suite de mon étape. Je traverse la ville de Gletsch au ralenti à cause de la foule qui envahit la chaussée. En effet, ce village à 1750 m d’altitude est très touristique d’une part parce qu’il est à proximité du glacier du Rhône (Gletscher veut dire glacier en allemand) et d’autre part parce qu’il est le point de départ d’un petit train à vapeur.
Le vent est toujours aussi fort par la suite et la trajectoire est parfois difficile à garder sur certains virages et même ligne droite. La route est accidentée et certains lacets sont très serrés. Je dois être le plus vigilant possible d’autant plus que la circulation est assez dense. Heureusement, au bout de quelques kilomètres, la route devient plus large et meilleure mais le vent a toujours tendance à souffler de face bien qu’il se soit atténué. A l’approche de Fiesch, la chaussée est mouillée, conséquence d’une pluie qui a du s’abattre très peu de temps auparavant, de gros nuages stationnant sur les montagnes, de part et d’autre de la vallée. Le revêtement est donc devenu très glissant. La prudence est donc redoublée mais heureusement, je retrouve rapidement de une route sèche. Au détour de Brig, alors que la circulation sur un pont est au ralenti, je me fais une petite frayeur. Je ressens en effet une sensation bizarre sur la roue arrière, comme si le pneu était en train de se dégonfler, donc crevé. Heureusement, plus de peur que de mal, il n’en est rien, je ne trouve d’ailleurs toujours pas d’explication à cette sensation bizarre qui a duré quelques hectomètres. De toute manière, j’ai sur moi 2 chambres à air de rechange ajoutés à celles-ci quelques rustines de secours. Mais j’aurais été assez agacé de subir une crevaison, surtout sur le pneu arrière, où il aurait fallu, pour le réparer, que je défasse tout mon chargement avant de le remettre...
Le vent est maintenant favorable et j’avance bien à tel point que j’atteins Raron, l’arrivée prévue de mon étape, certes courte, à 14h. Mais j’avais dans la tête de continuer puisqu’il est encore très tôt et que le vent souffle dans le dos. Je décide donc d’en profiter. Auparavant je prends un deuxième déjeuner tout à fait ressemblant au premier de la journée, à savoir un sandwich au jambon avec une banane en dessert.
Je reprends la route après avoir pris une nouvelle fois tout mon temps et quelques kilomètres après, alors que le temps est toujours très menaçant sur les sommets avoisinants, je me retrouve dans une espèce de mini-tornade ce qui m’oblige à m’arrêter net et à me mettre à l’abri. Le vent est tempétueux et la pluie tombe fort : impossible de continuer pour l’instant dans ces conditions-là. Heureusement, cette événement climatique ne durera qu’une petite dizaine de minutes et je reprends la route immédiatement l’accalmie venue au milieu du flot ininterrompu de voitures.
Le vent est à présent très favorable ce qui est très agréable et permet d’avancer plus vite sans fournir plus d’effort. C’est bon pour le moral aussi ! Les kilomètres défilent, les villes se succèdent les unes après les autres rapidement : Agarn, Susten, Sierre, Saint-Léonard avant l’arrivée à Sion. Cette ville est le chef-lieu du canton du Valais et je retrouve quelques feux mais dans l’ensemble la traversée de la ville se fait rapidement. Les grandes chaleurs qui m’avaient abandonné depuis 2 jours sont de retour mais elles restent supportables surtout que l’effort n’est pas intense dans cette descente de la vallée du Rhône.
Je poursuis ma route, le vent tenant une grande part dans ma vitesse qui tourne aux alentours des 40km/h. Le paysage de cette partie du Valais est essentiellement composé de vignobles ainsi que d’abricotiers, d’où les très nombreux marchants d’abricots au bord de la route. L’heure avançant, je décide toutefois de stopper mon élan afin de faire le plein habituel de vivres du soir. Il faut à présent me trouver un camping pour passer la nuit. L’un est indiqué à Saxon, mais il ne m’inspire guère donc je préfère continuer ce qui m’amène directement à Martigny. J’achève ici en quelque sorte ma boucle puisqu’il y 6 jours je passais par cette même ville en prenant la direction nord alors que j’arrive de l’est.
Je me trouve un camping très calme, bien que l’autoroute ne passe pas très loin. Il est assez tard quand je finis de monter ma tente puisque la journée a été longue mais finalement peu éprouvante. Au total, j’aurais parcouru 157,8 km pour un peu plus de 6h de selle. Cela représente une moyenne de 26,2 km/h, assez élevée compte tenu de l’ascension du col de la Furka en début de journée. C’est le soir où je commence à réaliser que j’aurais réussi mon aventure, la France n’est plus très loin, juste derrière le col de la Forclaz que j’aperçois depuis mon emplacement. Il ne me reste plus qu’une courte mais néanmoins difficile étape pour rallier Chamonix le lendemain où sont mes parents.

Vue de la Furka
Route de la Furka
Col de la Furka
Vue du Furkapass
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Etape 9 : Martigny - Chamonix, 39,7 km

Ce matin, je prends davantage de temps que d’habitude, sentant la fin approcher et voulant presque la retarder. Tout le dispositif de chargement est maintenant optimum, enfin ! Optimum avec le porte-bagages actuel, mais à améliorer si d’aventure une prochaine expédition avait lieu.

Il fait encore chaud, très chaud quand je me lance sur les pentes de la Forclaz, avant-dernier col du parcours, le seul avec celui des Montets que j’aurais gravi des 2 côtés. Mais l’ascension par Martigny est bien plus redoutable que celle par Trient. La pente est régulière mais sévère, 13 kilomètres de long à 7,8% de moyenne, soit plus de 1000 mètres de dénivelé. J’avance péniblement, la sueur me dégouline de partout. Je n’aime pas ces cols au rythme régulier, je m’y ennuie ferme. Les coups de pédale se succèdent, identiques les uns aux autres. La lassitude est d’autant plus intense que ce col offre une route très large, très dégagé. Je double deux étrangers à VTT, étalés dans l’herbe à l’ombre, donnant l’impression d’être au bout de leur force, or nous sommes à peine à mi-distance du sommet. Ce sera bientôt à moi de m’arrêter, mais je retarde au maximum cet arrêt, chaque tour de roue est 2,15 mètres en moins à faire après la reprise.

Au détour d’un lacet, je stoppe mon effort là où siègent quelques vendeurs d’abricots. La vue est imprenable sur la vallée du Rhône et je vois la longue ligne droite que j’ai emprunté la veille et où le vent me portait généreusement. Un peu plus au Sud se trouve la route qui mène au Col du Grand Saint-Bernard, frontière avec l’Italie. Je me remets en selle, et retrouve rapidement mon rythme de croisière. Le haut du col est interminable, tout droit, et surtout bondé. Les voitures sont beaucoup plus nombreuses qu’à l’aller.

J’arrive au sommet vers midi et la boutique multi-fonctions (nourritures, souvenirs) est la bienvenue. Avec l’argent suisse me restant, je m’offre en plus de mon déjeuner, quelques souvenirs de ce tour : dessous de plat et coupelle typiquement suisse, l’achat de chocolat étant fortement déconseillé par cette chaleur. Les quelques névés en haut des montagnes ont bien diminué en 8 jours, mais les glaciers n’ont pas bougé, pour combien de temps encore ?
La descente du col est très rapide et je rejoins rapidement la frontière après m’être rafraîchi à la désormais incontournable fontaine de Trient. Je passe la douane sans problème, je suis de retour en France ! Elle m’accueille par une montée, le col des Montets, que j’escalade aisément. 8km à 5%, c’est du gâteau maintenant ! En redescendant vers la vallée de Chamonix, je coupe mon élan à plusieurs reprises pour prendre des photos des sommets et glaciers environnants. Cependant le temps est très couvert sur la chaîne du Mont-Blanc, mais peu importe, j’en ai profité le premier jour. Je passe Argentière, croise le camping où j’ai couché la première nuit, et pars vers Chamonix à la recherche d’un autre où je passerai ma dernière nuit sous tente.

J’en trouve un à l’entrée de la ville et m’installe à côté d’une tente typique de randonneur. J’apprendrais le lendemain au petit jour qu’il s’agit en fait du randonneuse qui a plus d’une excursion à son actif, dont un Marseille-Katmandou à vélo. J’avertis mes parents qui logent dans un hôtel voisin que je suis bien arrivé comme prévu et les rejoins après avoir pris une douche.

Nous allons faire un tour dans Chamonix, l’usine à touristes par excellence, où la circulation est aussi dense que dans les grandes agglomérations. Le ciel est de plus en plus menaçant et peu après s’être installés sur un banc avec nos glaces, nous nous faisons surprendre par une violente averse orageuse qui ne durera pas heureusement.

Nous rentrons ensuite à l’hôtel où je m’informe de ce qui s’est passé pendant cette semaine sans nouvelle de la France, avec entre autres la canicule et l’affaire Landys sur le Tour de France. Puis nous descendons dans la salle de restaurant et nous mangeons une copieuse raclette, pléonasme en soit, fort appréciée surtout pour moi qui n’ai pas mangé de vrai repas depuis plus d’une semaine.

Mes parents me raccompagnent au camping à 3 km de l’hôtel. Le ciel s’est quelque peu dégagé et les sommets cachés par les nuages dans la journée réapparaissent dans la nuit comme les loups-garous apparaissent lors des pleines lunes. Le silence est saisissant dans cet endroit entouré de monstres, Mont-Blanc en tête. Je profite de cette dernière soirée assez longuement, demain soir, je serai dans le train de retour à Paris...

Aiguille du Midi
Aiguille verte
Glacier du Tour
Glacier d'Argentière
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