Intersaison au Ladakh
Carnet de voyage au Ladakh
Ca y est ! Le grand départ est pour demain ! Le Ladakh est mon premier voyage tout seul en dehors d'Europe, du coup le stress monte à mesure que l'heure du départ se rapproche... Demain je prends le train pour Paris, puis mon avion décolle mercredi pour Delhi. Là-bas, je devrais attendre 24h mon vol pour Leh (capitale du Ladakh, Etat de Jammu & Kashmir) dans une température à plus de 40°C (c'est ce qu'annonce CNN). Le printemps est rude dans les plaines indiennes ! Par contre, le choc sera aussi rude en atterrissant à Leh : c'est à 3500m d'altitude, et il y gèle encore la nuit. Un peu plus frais que le Haut-Doubs où j'habite...
Quand je pense que je réfléchis à ce voyage depuis un an, ça fait drôle de se dire que c'est pour demain. C'est dans une BD (la série des "Jonathan" de Cosey : à lire absolument) que j'ai découvert ce petit "Pays d'entre les cols", avant je ne connaissait même pas l'existence du Ladakh ! Mais depuis j'en ai tellement lu sur le sujet que j'ai l'impression d'y être déjà allé. Enfin, on verra bien.
Par contre, je ne vous promet pas de photos avant le mois de juin : je n'emporte que mon vieux réflex argentique (c'est lourd, mais je ne fais aucune confiance aux batteries de mon numérique, et la qualité est bien différente), les pellicules ne seront donc développées qu'à mon retour...
Le 23 avril 2007
Transit a Delhi
Atterrissage au petit matin sur Delhi, ville bruyante, stressante et polluee, comme la plupart des metropoles indiennes. Je me fais arnaquer de 100E par l'agent de change, puis je me retrouve dans un taxi direction l'hotel, sans avoir rien demamde... ca commence bien.
Finalement, l'hotel n'est pas un mal : clim, repos, douche... puis on me reserve un taxi pour l'aeroport a 3h du mat (mon vol pour le Ladakh est a 5h30 !). La tensio ne retombe qu'une fois dans l'avion, et le survol de l'Himalaya est magnifique.
Arrivee a Leh
Apres un atterrissage riche en sensations (un demi-tour en Boeing 737 dans une vallee himalayenne, meme large, ne laisse pas indemne), me voici enfin au pays de mes reves : le Ladakh. En fait de reve, je suis dans les vappes : je viens de prendre 3000m de denivelee dans les tripes en moins de 2 heures. C'est jure, je ne me foutrais plus de la gueule des gens prennent le mal des montgnes en dessous de 4000m d'altitude !
Je retrouve les contacts que j'avais sur place, une bonne equipe de jeunes bien sympas qui bossent pour une ONG, puis ils m'envoient vers une guesthouse bien tranquille et confortable (bon, c'est vrai, les WC se font dans un simple trou du plancher, la douche est froide, et alors ? quand on aime le rustique...). Apres une sieste reparatrice, je pars me perdre dans les rues de Leh, et Oh, miracle, les symptomes du mal des montagnes disparaissent ! On va bientot pouvoir commencer a bouffer du kilometre et du denivelee !
PS: desole pour l'absence d'accents et les fautes de frappe, mais ces claviers anglo-saxons sont des vraies saloperies.
Premiers pas en dehors de Leh : Thiksey, Shey, Hemis
Apres quelques jours a glandouiller a Leh (mais pas sans rien faire : avec les copains de l'ONG, on est en train de bricoler un chauffe-eau solaire pour la famille qui nous heberge. Pour le moment, ca ne marche pas trop...), j'ai commence a sortir de la ville. Les trajets en bus sont folklo, pas chers (1 roupie/km, soit 2ct d'euros !), mais aleatoires. Heureusement, le stop fonctionne, sauf qu'il ne faut pas avoir peur quand un camion arrive en face : pas de doute, je suis bien en Inde ! Pour le moment, je me suis contente de visiter deux monasteres (Hemis et Thikhsey) et l'ancien palais royal du Ladakh, a Shey. Tous se situent a l'est de Leh.
Les monasteres (gompas) sont conformes aux photos des topoguides, et a moins de s'y connaitre en art religieux boudhiste ou d'y etre accro, ils se ressemblent pas mal de l'interieur. Par contre, leur environnement exterieur est chaque fois different, et souvent impressionnant (mais il faudra attendre le mois de juin pour les photos !).
A part ca, la region est envahie de soldats indiens, le gouvernement craignant toujours une invasion pakistanaise ou chinoise. Il faut se rappeler qu'a peu de distance d'ici se joue la plus haute guerre du monde, sur le Siachen Glacier, environ 5000m d'altitude.
Encore quelques jours de bus et gompas (je vais friser l'indigestion), cette fois vers l'ouest, ensuite je commencerais a marcher un peu plus.
Likir Gompa
Aujourd'hui, j'ai change de direction, et allonge les distances : je suis parti visiter Likir Gompa, en direction du Bas Ladakh. Plusieurs personnes essayent de m'expliquer avec un applomb incroyable qu'il n'y a plus de bus dans la direction de Likir, mais avec un peu de perseverence on trouve toujours tout. Surtout ici ! Likir n'est qu'a 50 km de Leh, mais le bus mettra 3h, sur une route defoncee, systematiquement en travaux, et construite dans des endroits qui chez nous auraient valu la prison a perpete pour l'ingenieur. Du coup, j'arrive pile au moment de la pause de midi, ce qui fait que je ne pourrais pas visiter avant 14h. La situation du monastere est toutefois tres interessante, et un bouddha geant de 20m (Maitreya, le bouddha du futur : on le reconnait au fait qu'il n'est pas assis en tailleur, mais sur une chaise, a l'occidentale) y a ete inaugure il y a quelques annees par le Dalai Lama. Puis un rapide calcul me fait penser que si je visite les lieux, je risque de ne pas trouver de bus et de galerer en stop ! Du coup je repars vers la route (1h de marche...), manque le bus et commence a lever le pouce. C'est finalement un vieux truck venant de Srinagar qui me prendra en stop, puis il prendra aussi 5 indiennes, ce qui fait qu'avec les deux chauffeurs on se retrouve serres a 8 dans la cabine. De plus, on doit s'arreter souvent, car le moteur chauffe beaucoup, et nous aussi car il se trouve dans la cabine (comme dans les vieux J9). Ce n'est qu'a la nuit tombee que je finis par arriver a la Guesthouse.
Voir le récit avec photos et commentairesDebut du Trek : Lamayuru-Wanla
Et voila, je pars pour 5 jours de trekking en solo, avec mon gros sac a dos. La rando commence par 6h de bus, pour rejoindre Lamayuru, a 120 km de Leh en direction de Srinagar. J'ai pas beaucoup dormi la veille : on attendu jusque vers minuit pour avoir les resultats des elections, en piccolant de la biere et du chang (biere d'orge locale et artisanale, pas mauvaise) pour se preparer au pire. Et le pire est arrive...
Passons la politique francaise, et revenons a Lamayuru, ou le bus me drope vers midi. Personne pour me faire visiter le monastere, pourtant tres interessant parait-il, mais je n'insiste pas: je commence a etre overdose. Le trek commence direct par un col, en principe facile, mais avec 20 kg sur le dos on peut se permettre d'en baver. Paysage tres mineral mais fascinant, je traverse un delire de roche jaunes, rouges, vertes, violettes... Beaucoup de choukors, especes de perdrix locales, animal particulierement peu intelligent a mettre en concurrence directe avec la poule. Le col est peu eleve (3750m), et la vue n'est pas a la hauteur de mes esperences : tres encaisse et nuageux.
A l'approche de Wanla, je commence a croiser de plus en plus de gens, occupes aux champs. "Julley, julley", ca n'arrete pas ! Des petits curieux en culottes courtes m'observent sans aucune gene pendant que je monte la tente, et je me couche vers 20h, a la tombee de la nuit. Avec le manque de sommeil, je m'endort de suite.
Wanla-Hinju
L'etape du jour devant etre relativement courte, je comptais me lever a 8h, mais j'ouvre les yeux vers 6h30, et sans reveil ! Tant mieux, je serais plus tot a l'etape, et je pourrais me laver au soleil ! Le debut de l'etape est sur une route goudronnee sans relief, ce serait monotone si je ne croisais pas tous les 100m des gens partant travailler aux champs, ou des enfants allant a l'ecole. Puis apres Phenjilla, la route devient piste, la pente se redresse et les lacets commencent. Vers Urtsi, les gorges se resserrent, je quitte la piste pour un sentier accroche a des eboulis. Je commence a trouver ces falaises de moins en moins sympas, la verdure me manque...
Heureusement, les habitant de Hinju me reservent un accueil tres chaleureux : un type me hele de sa fenetre, et je me retrouve dans une famille a boire du the, puis du chang ! Au bout d'un moment, le gars finit par m'expliquer que le col que je veux passer demain est impraticable, il y a de la neige jusqu'a la taille. Et merde ! Je promets de faire demi-tour si ca ne passe pas, puis je pars m'installer sur le campsite, un peu au dessus du village. Site merveilleux : il y a de l'herbe ! Un petit vieux dans une goncha (habit traditionnel, encore tres porte par les vieux) tres rapiecee vient me tenir compagnie, mais il parle anglais comme moi le Ladakhi. Dans la soiree, quelques villageois passent, pour ramener leur troupeau au village.
Passage du Konzki La : le chemin de croix
Je continue a me reveiller avant l'heure, surement pace que je me couche a 20h. Aujourd'hui, grosse etape : le Konzki La ("La" signifie "col" en Ladakhi) culmine a 4950m d'altitude, ce qui me fait plus de 1000m de denivelee, avec un gros sac et l'altitude en plus. Des le debut, malgre la faiblesse de la pente, je galere, et c'est avec difficulte que j'arrive a suivre un troupeu de yacks qui montent a l'alpage. Vers midi, je n'ai fait que 600m de denivelee : je me suis connu plus en forme ! Mais le pire est a venir, car les 400 derniers metres sont tres raides, je m'arrete tous les 10m pour reprendre mon souffle.
Ce n'est que vers 13h30 que je passe le col, le vent est terrible. La neige, absente jusqu'ici, m'attend sur l'autre versant : il n'y en a que sur 300m, mais quelle misere ! Ca ne porte pas du tout, a chaque pas je m'enfonce jusqu'a la taille, et je perds une demi heure pour m'en sortir.
Plus bas, je rejoins les premiers alpages, puis un campsite ves 4200m, mais aucun village en vue. Il me faudra ecore plus d'une heure de marche pour arriver a Sumda, ou les habitants m'envoient n'importe ou pour camper. Au bout d'un moment, une jeune fille m'invite a prendre le the puis je la suis jusqu'aux champs ou toute la famille est occupee a labourer. The, chang, puis on me charge de ramener un yack a la maison. Finalement, je vais dormir chez cette famille, ca coutera un peut plus cher que le camping, mais c'est pas un luxe de manger autre chose que des nouilles en sachets ou de la puree mousseline !
L'alpage du Dundunchen La
Ce matin, je prends mon temps : le pere m'a fait comprendre que le prochain camp est a 3h de marche seulement, et que le col est praticable depuis quelques jours. Je continue donc de descendre la vallee de Sumda, mais toute cette caillasse, meme en couleurs, commence a m'user. JE VEUX DE LA VERDURE !!!
Effectivement, l'etape est tres courte, j'installe mon camp a 12h30. Ca me laisse le temps de me faire un peu de toilette, et surtout d'aller en reconnaissance vers le col. Ou plutot, les cols : il y en a trois ! Et comme par hasard, la carte fait passer du cote le plus enneige... Mais l'experience m'a prouve qu'il ne fallait pas suivre les itineraires de la carte, mais plutot les sentiers sur le terrain... Connerie de carte suisse ! En attendant la nuit, je commence a m'ennuyer, la prochaine fois je penserais a prendre de la lecture. Plus le temps passe, et plus ca se refroidit, j'ai sur le dos tous les vetements de mon sac. Le soir, je m'endors presque tout habille, malgre un duvet teste a -10'C.
Le Dundunchen La
J'ai eu bien fait de me couvrir, il fait froid la nuit a 4000m : le thermometre affiche 0'C dans la tente, et le ruisseau dehors est recouvert de glace ! J'attends avec impatience le soleil.
La montee au col est plus rapide que prevue, mais l'altimetre affiche 200m de moins que la carte. Ils vont m'entendre, aux Editions Olizane ! (édit : les Editions Olizane m'ont contacté depuis, et une nouvelle édition des cartes du Ladakh est sortie en 2009, corrigée de nombreuses erreurs). J'ai eu bien fait de ne pas me fier aux indications de la carte, car j'ai suivi un bon sentier qui me ramene ensuite par des traversees faciles, dans la bonne vallee. La vue serait meilleure si la chaine du Zanskar n'etait pas dans les nuages. Descente tres galere, car j'ai fait l'erreur de ne pas suivre le sentier qui faisait un trop grand detour.
Vers midi, je traverse un petit alpage, ou un petit vieux m'invite a prendre le the puis a manger. Apres le repas, il se remet a son travail : comme beaucoup d'habitants de Chilling, il fabrique des theieres, louchs, pots a chang...
Puis je finis ma descente dans des gorges tres encaissees, mais sur un bon sentier. Le camping de Chilling manque d'herbe, mais il y a partout de tres gros saules qui apportent une ombre agreable, quand il fait 30'C au soleil ! Et comme je suis descendu a 3300m d'altitude, il fait presque bon la nuit. Le bonheur, quoi !
Il ne me reste plus qu'a attendre le bus, qui n'arrive que dimanche.
Samedi apres-midi, une copine qui venait de travailler toute la semaine en Markha Valley, debaque a Chilling, elle est logee dans une famille qu'elle connait, et du coup je me fais inviter. Surprise : c'est la famille du papy avec qui j'ai mange hier a midi, qui s'avere etre aussi le meilleur artisant du village ! Certaines de ses theieres s'arrachent a 25000Rs (500 euros). J'apprends quelaues nouveaux mots Ladakhis (entre autre que mon nom signifie "marmotte" : grosse rigolade), la recette des skius (une des multiples varietes de pates ladakhies), la legende du village, etc. Le chang est toujours aussi bon.
Dimanche, midi : enfin, le bus arrive, je vais pouvoir me pendre une douche chaude !
SECMOL, un campus alternatif
Apres deux jours a pas faire grand chose (cartes postales, internet, confirmation du vol retour et autres activites d'un interet culturel exceptionnel), j'ai repris mes habitudes a la gare routiere, pour aller visiter le campus de SECMOL (Student's Education & Cultural Movement Of Ladakh).
Cette ecole alternative a ete creee il y a plus de 20 ans par un descendant de la famille royale du Ladakh et une americaine qui avait finit par se fixer ici (elle est d'ailleurs l'auteur d'un excellent phrasebook Ladakhi/Anglais).
Cette creation partait d'un constant plutot emmerdant : les eleves ladakhis commencaient leur scolarite en Urdu (langue officielle de l'Etat de Jammu & Kashmir), puis au secondaire passaient brutalement a l'anglais. Quand on sait qu'a l'epoque les parents ne parlaient quasiment que le ladakhi a la maison, je vous laisse imaginer les taux d'echec scolaire ! Un des buts premiers etait donc de dispenser un enseignement en Ladakhi (sans pour autant negliger les autres langues) et de remettre la culture locale au centre de tout ca.
Comme si ca ne suffisaait pas, les batiments ont ete entierement construits de maniere traditionnelle (en utilisant entre autre des briques de boue), en integrant des techniques d'isolation et d'exploitation des ressources renouvellables tout a fait novatrices pour l'epoque. Le solaire est a la base de tout : solaire passif pour la "climatisation" des batiments, panneaux photovoltaiques pour les besoins en electricite du quotidien, et pour alimenter les pompes qui alimentent le reseau d'irrigation, cuiseurs solaires, etc. En avance aussi sur la question des dechets, puisqu'ils trient et recyclent leurs dechets depuis bien plus longtemps que notre pays "developpe" !
Le campus produit aussi une bonne partie de ses besoins en alimemtation, les eleves s'occupant d'un potager, d'un poulailler et de quelques vaches... Les visiteurs peuvent y sejourner sans probleme (moyennant une faible contribution financiere), quelques eleves etant affectes a l'hotellerie.
Voila, j'arrete, parceque le mieux est de venir vous rendre compte par vous meme !
Le soir a mon retour, on se retrouve a 3-4 pour preparer des momos, sortes de raviolis tibetains. Pas facile de leur donner une jolie forme sans un certain coup de main, mais qu'est-ce-que c'est bon !
Et puis des copains debarquent pour la soiree, et vers 2h du mat je vais me coucher en titubant. C'est vrai que le coktail alcool-altitude est assez puissant !
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