WEEK-END BLOQUE-ENTRAINEMENT A KHOR -AMBADO

DJIBOUTI "SUR LES TRACES D'HENRY DE MONFREIDUn récit/album du carnet de voyage :
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C'est le week-end. Nous avons dormi jusqu'à 8 heures, une bonne nuit de récupération. Petit déjeuner, douche. Florent et moi enfilons nos tenues flambant neuf et nous équipons avec le matériel de notre principal sponsor, Peugeot Cycles. Aujourd'hui, entraînement spécifique de 45 kilomètres. Nous avons prévu de rejoindre Kor Ambâdo Plage après avoir reconnu la route jusqu'à la piste que nous aurons à prendre pour nous rendre à Ali Sabieh, première étape du raid en VTT.
Nous prenons le départ vers 10h00, afin de connaître notre réaction à la chaleur qui augmente avec le jour. Nous longeons la voie ferrée. Florent s'occupe de la topographie. Toujours la saleté, les décharges et le délabrement des bâtiments que nous croisons. Nous arrivons près de l'Académie de Police de Djibouti et bifurquons vers Balbala, le bidon-ville. Nous traversons le piste Djibouti-Ali Sabieh. Quelques centaines de mètres plus loin la piste est coupée par un oued, cours d'eau aride, elle devient impraticable. Nous sommes obligés de traverser l'oued de cailloux et de sable, c'est dur. Florent chute, se rape les cuisses. Plus loin, c'est moi qui chute, plus gravement. L'une des pédales automatiques me déchire le pied et pénètre à l'intérieur de la chair, au-dessus de la malléole. J'ai un peu mal, le sang coule. j'envisage déjà le pire, ici c'est la porte ouverte aux infections. Je suis fou et le moral en prend un coup. Nous ressortons de ce maudit oued et regagnons la piste que nous ne quitterons plus jusqu'à Balbala.
Nous repérons la piste qui part vers Ali Sabieh. Elle paraît belle pendant les 100 premiers mètres, mais qui sait ce qu'elle nous réserve plus loin, puisqu'ici depuis 20 ans tout semble se dégrader vitesse grand V. Nous traversons Balbala par la route de Djibouti-Arta. Des bidonsvilles à perte de vue. Des enfants qui jouent dans la poussière nous jettent des pierres, d'autres crient sur notre passage : "donne l'argent". C'est fou, cette misère omniprésente. Je suis écoeuré. Nous parvenons à rejoindre la route qui va vers Doralé et Kor Ambâdo. Des vendeurs de coquillages sont installés au bord dans des cahutes, des enfants de trois ou quatre ans mendient tout le long de la route. D'autres enterrent les morts, nous remarquons des tas de tombes. Cela devient de plus en plus pénible de se faire agresser par tous ces enfants. Nous roulons depuis 45 minutes, la chaleur est insupportable, plus de 40°C au soleil, nous n'avons pas mangé beaucoup ce matin, je crains l'hypoglycémie. C'est dur, très dur.
Nous arrivons sur la piste de Kor Ambâdo, vraiment du tout terrain. Les VTT sont maintenant mis à rude épreuve et cela nous sert car tous les petits problèmes surgissent. Je risque à deux reprises de chuter. Les sacoches bloquent ma roue arrière. Florent remédie au problème avec du chatterton. Nous sommes impressionnés par la fiabilité de notre matériel. Néanmoins nous enlevons les chaussures des pédales automatiques dans les montées rocailleuses, car nous ne pouvons déchausser à temps et risquons à nouveau une chute.
Raoul nous a rejoint avec le 4X4 conduit par Cécile. Il se fait déposer devant pour nous filmer en pleine difficulté. La piste de Kor Ambâdo se termine par une descente où nous doublons le 4X4. Nous avons plus de facilité en VTT qu'eux à passer les obstacles. En bas se trouve un oued ensablé. Impossible d'avancer, nous mettons pied à terre pour éviter la casse. Des motos tout terrain et le 4X4 nous doublent. J'ai la rage, nos pneus sont trop étroits. Nous arrivons enfin sur du terrain un peu plus dur et rejoignons une maison restaurant qui résonne de musique. Nous y déposons nos VTT. Ils seront gardés et à l'ombre.
Nous ruisselons de sueur. Une seule chose compte à présent: enfiler nos maillots de bain et plonger dans la mer Rouge. Nous nous dépêchons de tirer nos vêtements collants de sueur et de poussière. Le soleil a déjà fait des dégâts, nos bras, nos nuques et nos jambes nous cuisent malgré l'écran total. Nous courons dans cette eau bleue limpide comme pour apaiser nos souffrances de brûlés à vif. Quelle délivrance! L'eau nettoie nos plaies et nous rafraîchit. Le sable est fin, le vent léger fait descendre la température de mon corps mouillé. Je jette un coup d'oeil sur la plage. Des dizaines de 4X4 sont entourés de bâches vertes anti soleil. Nous rejoignons la plage et buvons d'une traite le schweppes glacé que Cécile nous tend. Nous nous enduisons à nouveau de crème et nous mettons sous une petite tente ouverte au vent mais à l'abri du soleil grâce à sa bâche verte. Après le pique-nique, nous nous équipons de palmes, masque,tuba et retournons dans l'eau admirer la barrière de corail.Les souvenirs d'il y a 20 ans reviennent lorsqu'à Arta Plage je plongeais en apnée.
Les fonds sont très abîmés à Kor Ambâdo. Nous apercevons malgré tout quelques chirurgiens, un poisson-lune et des milliers de minuscules poissons-corail multicolores. De beaux coraux vivent à la limite de cette barrière. Ils forment une dentelle qui du rouge à la surface se nuance de mauve et de bleu en profondeur, fonds marins extraordinaires encore intactes et inviolés par l'homme. Monde aquatique, merveille du monde. C'est la première fois de sa vie que Florent voit un tel spectacle. L'eau est plus fraîche qu'au bord, mais les rayons de soleil dardent nos dos incendiés. Je ne veux pas palmer trop longtemps et laisser les forces qui me restent dans l'eau. Au repos sur la plage, nous enduisons à nouveau notre corps de produit gras. Je soigne ma plaie à l'aide de la trousse de secours.
A 16h20, il est l'heure de nous changer et de remonter sur nos selles. La piste du retour ne nous pose aucun problème. Nous avons fait le plein d'énergie. Nous ne mettons qu' 1 h40 et arrivons en même temps que le 4X4 à la résidence.
Samedi 3 avril
La matinée s'est passée dans l'attente de nouvelles du coopérant militaire de l'Armée Nationale Djiboutienne. Les dernières informations sont démoralisantes. Un poste de police vient de se faire attaquer à Tadjoura, il y aurait des blessés et une prise d'otages par des éléments rebelles du FNUD (Front National Unifié Djiboutien). Les militaires des Forces Françaises de Djibouti seraient en cours d'évacuation de tous les Français de la zone nord et de la côte de Tadjoura. Il serait interdit de passer à Arta et Holhol, ce qui signifie que nous sommes bloqués à Djibouti au moins jusqu'au 10 avril, lendemain des élections. Tout s'écroule. Le moral est au plus bas dans l'équipe. Nous sommes abasourdis, je n'y comprends plus rien. Nous sommes peut-être sur une poudrière, mais rien n'était prévisible. Je m'en veux d'avoir entraîné Florent et Raoul dans cette mauvaise aventure. Je reste néanmoins optimiste. j'ai hâte de rencontrer le responsable de l'ONTA, qui pourra peut-être m'en dire plus.
14h00: Nous déjeunons de bonite, poisson local avec des légumes de couscous, c'est succulent.
16h00: Nous enfourchons nos VTT et nous dirigeons vers l'ONTA. C'est fermé. Nous allons alors jusqu'à l'Escale marine en passant par le Palais de la Présidence. Quelques prises de vue sur le chemin et près des boutres qui amènent les touristes jusqu'aux îles Maskali et Moucha.
16h45: Nous prenons quelques photos devant la Maison du Peuple et rejoignons l'ONT A. Une horde d'enfants des rues nous assaille à notre arrivée. Nous décidons qu'un de nous trois restera garder les vélos.
17h00: Le rendez-vous est reporté à demain 9hOO. Nous repartons déçus vers la résidence Marco Polo.
18h00: Nous accompagnons Cécile et Marilyne, la femme d'un collègue de l'Ambassade, au supermarché Sémiramis. Souffrant de nous faire entretenir, je paie toutes les courses. Nous sommes toujours entourés de dizaines de crève-la-faim.
De retour à la résidence, nous essayons d'avoir des nouvelles par la Radio Télévision Djiboutienne. Les informations passent en langue arabe, essentiellement des spots concernant la campagne électorale. Rien sur Tadjoura. Nous sommes invités chez Marilyne à boire un verre. Puis nous nous rendons en compagnie de J-p et Cécile chez Patricia, qui travaille aussi à l'Ambassade. Tout le monde se connaît dans le milieu des Affaires Etrangères. Repas de pâtes, boeuf éthiopien mijoté aux poivrons, carottes et haricots verts, salade d'endives fraîches, fromage et gâteau maison servi avec de la glace pruneaux et noix de coco. Nous parlons du raid, du pays qui part à la catastrophe. L'inquiétude se fait sentir.
Dimanche 4 avril
Quelle expérience et quelle richesse de vivre de tels moments. Deux ans de préparation et conclusion: rien n'est défini à l'avance. Le grain de sable qui fait changer le déroulement de la vie s'insinue. Jusqu'à présent, la chance nous souriait, mais maintenant nous sommes dans une situation que l'on ne maîtrise pas. Les élections ont lieu le 9 avril et jusqu'à cette date rien n'est prévisible, le pire peut arriver. L'instabilité est omniprésente. Je pense à tous les sacrifices, l'entraînement et la préparation que ce projet a nécessité et je me dis que cette expérience prouve que même en étant méthodique et pointilleux, soucieux du moindre détail, l'imprévu peut changer le cours de la vie. Le soleil ne sera jamais en panne, alors que nous sommes bloqués ici. Je me lève ce matin tout de même confiant. J'ai bien dormi malgré mon pied qui me tiraille. Une petite infection, il fallait s'en douter.
Après avoir déjeuné en compagnie de J-P qui sans cesse me remonte le moral, je m'habille et enfourche mon VTT en direction de l'ONTA, place Ménélik. Au bout d'une heure d'attente, je suis reçu par Monsieur Mohamed, l'adjoint du directeur de l'ONTA, à qui je serre la main à la descente de sa 405. On dirait un ministre, vêtu d'un impécable costume beige. Tout le monde flippe. Monsieur Mohamed me donne l'assurance qu'il mettra le 10 avril à notre disposition le 4X4 de l'ONTA avec un chauffeur et un guide pour effectuer toute la partie sud de notre périple. Il me met en garde sur le danger de partir, qu'il est sage d'attendre après les élections. Il est sympathique et je le crois sincère. je l'espère. Il m'affirme qu'un courrier m'a été envoyé m'informant de la situation d'instabilité préélectorale. Je ne l'ai jamais reçu. Je pars à moitié satisfait et résigné devant la situation actuelle.
Je prends la direction de l'Académie de Police située à Nagar, à 10 kms de Djibouti, pour essayer de revoir Yacine, un policier Djiboutien qui a fait avec moi le stage de moniteur de sports dans la Police Nationale Française. La température commence à monter. A l'entrée de l'Académie, un garde assis me somme de m'arrêter, la kalachnikov en bandoulière. je me présente et donne l'objet de ma visite. Il me demande de faire le tour pour rejoindre l'autre côté, où j'aperçois un petit minaret. j'y arrive et demande si mon collègue Djiboutien est présent. Je me rends compte que ce bâtiment est un lieu de prière. Un policier me pose quelques questions et commence à me parler religion, Islam. J'essaie d'esquiver cette conversation mais c'est difficile, cet homme fait du prosélytisme. Je reste diplomate et reprends ma route vers Djibouti.
j'ai remarqué que l'Institut Supérieur d'Etudes et de Recherches Scientifiques et Techniques (ISERST) n'est pas loin. Je décide de m'y arrêter et demande un rendez-vous avec le directeur, Monsieur Anis Abdallah. Il est en réunion. On me donne le numéro de téléphone pour obtenir un rendez-vous. j'ai faim, j'ai soif. J'espère ne pas faire d'hypoglycémie, il me reste 10 kms avant de rentrer. Il est 12h 15, ta limite du raisonnable pour arrêter de rouler.
Je cours prendre une douche, boire et soigner ma plaie qui suinte. Je réussis à téléphoner chez moi en France, décris la situation et donne l'état dans lequel nous nous trouvons. Aujourd'hui ma dernière fille a 13 ans, c'est son anniversaire et je suis là, bloqué, impuissant. Enfin j'ai pu rassurer tout le monde sur notre position. Après avoir lavé et essuyé la vaisselle, je vais faire une sieste réparatrice. Mes deux compagnons d'infortune, qui étaient restés jouer au monopoly, font de même.
J-P a prêté son VTT à Raoul. Nous sommes enfin tous les trois ensemble pour faire des prises de vues. De retour, J-P et Cécile regardent notre reportage à la télé, les images numériques sont d'excellente qualité. Nous jouons à un jeu de cartes qu'ils viennent de nous apprendre, "le trou duc", c'est génial. Nous y jouons jusqu'à l'heure du dîner. Ici nous mangeons vers 21 heures. Après le repas je propose de faire la vaisselle, puis je vais écrire quelques cartes postales. Cela me permet d'évacuer mon stress dû à l'attente du départ réel du raid. Je suis très ennuyé, mais que faire, j'ai autant hâte que mes deux coéquipiers de me retrouver sur le terrain.
Jusqu'à présent, je contiens ma colère. Je m'endors avec du vague à l'âme, ne cesse de penser à mon ange gardien. Rien ne se débloquera avant le 10, faut pas rêver. Il est presque 01h00.

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raidsextremesAuteur : Postée le 15 janvier 2008 par raidsextremes
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