L'APPEL DE DJIBOUTI

DJIBOUTI "SUR LES TRACES D'HENRY DE MONFREID

LE PROLOGUE

JOURNAL DE BORD




Je suis prêt à affronter la fournaise et aller conquérir la sentinelle de la mer Rouge. J'ai hâte de traverser une des régions les plus sauvages du monde où le soleil vous brûle jusqu'à l'âme. Quand on se trouve dans le Grand Bara, on aperçoit l'horizon si intensément vide qu'il arrive que des mirages surgissent. Je veux aller au plus vite rejoindre les eaux vertes du lac Assal et la blancheur intense de sa banquise de sel où les dernières caravanes partent encore pour livrer l'or blanc sur les hauts plateaux d'Abyssinie. Au pied du lac, l'épaisse croûte de sel réverbère la lumière à 153 mètres sous le niveau de la mer, le thermomètre oscille régulièrement autour des 50° C, mais n'empêche en rien la présence insupportable de goulus moustiques. Certains diront que Djibouti est l'enfer, une étuve, l'un des endroits les plus chauds du globe, mais quelle violente beauté!
Je suis impatient d'atteindre ce port du bout du monde que ma mémoire a blotti une nuit au creux de mes paupières. Djibouti, tes senteurs parfumées émanant des épices me manquent, les hommes sont ivres de qat, cette feuille euphorisante rend la cité nerveuse quand il en manque et appauvrit la population. Tes femmes sont bouleversantes de beauté, drapées dans des robes soyeuses et multicolores que l'on appelle saros, semblables aux saris des déesses indiennes. Tes paysages à couper le souffle sont devenus pour moi une obsession.
Terre bouleversée, crevée de failles profondes où par endroit le manteau terrestre n'a que 5 kilomètres d'épaisseur et donne naissance à des zones volcaniques tel le rift d'Assal, avec le volcan Ardoukôba que nous irons visiter sans hésitation, ou le rift de Manda Inakir plus au Nord Est. Je n'oublierai pas les fumerolles du lac Abbé liées au volcanisme du Dama Ale sur le bord ouest du lac.
j'ai hâte de voir Tadjoura, sa petite histoire soeur de la grande histoire éthiopienne. Rien n'y a bougé depuis quelques siècles, y vivent encore de grandes familles descendantes des anciennes dynasties négrières. Tadjoura vient du mot Tagora, "l'outre en peau de chèvre", car l'eau descend des monts Goda et Mabla. Goda, seul point de verdure avec la forêt du Day autour de Djibouti. Magie des noms, magie des lieux. J'irai vous voir, îles du Diable, carrefour où croisent les pas de Rimbaud, Monfreid et Joseph Kessel. Ce dernier vous évoque dans "Fortune Carrée". On les a baptisées Iles du Diable" pour qu'elles fassent peur et que personne ne s'y aventure. Elles pouvaient ainsi servir d'entrepôt aux trafiquants au fond du golfe de Tadjoura. J'ai une envie irrésistible de me rendre dans ta forêt primaire du Day, y recueillir la fraîcheur des genévriers géants, oliviers sauvages, jujubiers opulents. Les arbres s'étirent vers le ciel, contraste incroyable avec la sauvage beauté de tes paysages désertiques.
Djibouti m'a envoûté par sa beauté, mais aussi par sa dureté. L'appel du Grand Nord, l'appel de l'Océan, l'appel des Sommets, ça ne s'explique pas, ça se sent au fond des tripes, c'est ancré dans votre esprit, fait partie de vos rêves d'enfant, de vos fantasmes.
La Corne orientale de l'Afrique et les bords de la mer Rouge constituent un haut lieu de l'histoire de l'homme. Les lieux saints sont tout proches. C'est à travers cette mer ouverte par Moïse que les hébreux échappèrent à leurs poursuivants et rejoignirent l'Egypte... Cette mer me fait rêver, depuis l'ouverture du Canal de Suez elle a permis des échanges plus rapides et plus importants entre le Nord et le Sud. Depuis la mer du Nord, on peut faire le tour du monde en empruntant cette ouverture, Suez, mer Rouge, océan Indien... Djibouti est la matière; à moi, à nous de savoir la travailler.

DJIBOUTI "SUR LES TRACES D'HENRY DE MONFREID

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