JOURNAL DE BORD

DJIBOUTI "SUR LES TRACES D'HENRY DE MONFREID

L'APPEL DE DJIBOUTI

WEEK-END BLOQUE-ENTRAINEMENT A KHOR -AMBADO




Réveil matinal à 03h45. Rangement des dernières affaires personnelles, chargement des cantines, valises, sacs de voyage et trousse à pharmacie. Direction le Commissariat pour récupérer une paire de basket, puis chez Philippe où se trouvent les VTT.
05h00: Philippe nous emmène, Raoul et moi, à l'aéroport de Rennes Saint Jacques.
Le contrôleur ne veut pas enregistrer les bagages en excédant de poids. Nous avons besoin de l'aval de la compagnie BRIT AIR qui doit nous transporter jusqu'à Roissy Charles de Gaulle.
05h35: Enregistrement du fret. Philippe nous accompagne jusqu'à la salle d'attente. Il est fatigué, ou bien est-il malheureux de ne pas être du voyage?
06h05: Nous discutons avec le fonctionnaire de la P.A.F. (Police Aux Frontières) sur les événements tragiques du Kosovo et les risques d'un conflit mondial. L'avenir se présente mal. C'est triste et gâche la fête du départ.
06h20: Pas de problème au décollage de l'aéroport Saint Jacques. Raoul est très heureux, c'est son baptême de l'air. Il fait 3°C au départ et nous approchons les 8°C à l'arrivée. Le futurisme de l'aéroport Roissy Charles de Gaulle me donne l'impression d'une autre galaxie.
07h20: Je m'impatiente de retrouver Florent et m'inquiète de ne pas le voir. C'est sans compter sur sa ponctualité puisqu'il était déjà là, mais était parti à notre rencontre en ratant notre sortie.
08h00: Devant le Terminal d'enregistrement pour Djibouti, nous avons l'agréable surprise de constater qu'une escale est prévue à Djeddah en Arabie Saoudite. Florent est fatigué. Il n'a pas bien dormi, inquiet de rater le départ et surtout énervé devant l'aventure que nous allons vivre. Nous sommes tous les trois fatigués, mais tellement heureux. Je suis fier de concrétiser mon vieux rêve et ce projet fou.
10h00: Nous pénétrons dans l'Airbus A 310 vol AT 538 en direction de Djibouti. Les hôtesses nous accueillent et cherchent à savoir si les VIT embarqués en soute nous appartiennent. Elles sont pleines de curiosité sur notre destination et le but du voyage. Nous échangeons quelques mots, l'une d'elles nous propose un contact en poste à Djibouti au M.A.E. (Ministère des Affaires Etrangères). Une autre, aguicheuse, nous questionne sur notre profession. Je lui réponds que nous sommes représentants en confitures chez Bonne-Maman et Andros. Elle repart vexée et Raoul me reproche de lui faire manquer un bon coup.
11h00: Nous avons une heure de retard au décollage, des passagers prévus sur les listes d'embarquement manquent. 11h20 : Enfin, nous voilà partis!
12H00: Je lie connaissance avec le Djiboutien qui est assis à mes côtés. C'est une chance et déjà une ouverture pour notre reportage. Il appartient au Ministère de l'Economie de Djibouti,où il s'occupe de la lutte contre la pauvreté. Il a vécu dix ans en France pour ses études et voyage à travers le monde pour acquérir une expérience professionnelle, afin de la mettre à profit dans son pays. Il parle très bien notre langue. Très sympathique, le courant est passé. Son père était gendarme et son grand-père a fait la guerre pour la France en 1914-18. J'aime bien ce genre de personne, très ouvert, d'une moralité exemplaire, j'ai tout de suite senti qu'il était sain. Je lui présente le Raid Extrême Djibouti. Il est enchanté et me donne sa carte afin que nous puissions organiser un rendez-vous pendant notre séjour. Il m'indique qu'est présent dans l'avion le Djiboutien détenant les meilleures performances mondiales de marathon, Hamed Salé, qui plus tard vient nous saluer.
13h00: Repas à base de volaille servi dans l'avion. Nous sommes affamés et demandons un plateau supplémentaire.
18h30: Nous approchons de Djeddah. Annonce nous est faite de cacher alcool, journaux ou revues à connotation sexuelle, en raison du contrôle effectué par la police saoudiene dans l'avion. Nous remarquons que toutes les femmes descendant à l'escale de Djeddah enfilent une djellaba et se voilent. L'Islam et la Mecque ne sont pas loin.
19h00: L'aéroport de Djeddah est magnifique, constuit en chapelet de tentes de nomades entouré de palmiers. Le décollage sur Djibouti est annoncé. Nous attachons nos ceintures. Fatigue et chaleur se font sentir. Nous survolons la mer Rouge et suivons le tracé du vol sur les écrans de télévision. La précision du logiciel d'Air France est formidable. Sur la carte, la Corne de l'Afrique et la péninsule Arabique. Nous commençons à croire à l'aventure: dans 1 h40, nous serons à Djibouti.
21 h20 : Nous y voilà, Djibouti! A la descente d'avion, une bouffée de chaleur tropicale et la nuit étoilée me saisissent, ému.
21 h30 : Après quelques minutes dans le hall de l'aéroport, un homme se détache des personnes qui attendent. C'est Jean-Philippe, mon contact à l'Ambassade de France à Djibouti où il est agent de sécurité. Il nous annonce dans un premier temps de mauvaises nouvelles: pas de 4X4, interdiction de se rendre dans le nord pour cause de guerre Erythréo-Ethiopienne. Nous sommes fatigués, la température avoisine les 30°. Groguis, démoralisés, c'est un coup de massue qu'il nous assène. Il nous rassure en nous affirmant qu'il fera tout son possible pour mener à bien le raid. Dehors, devant l'aéroport, son épouse Cécile nous attend pour charger le matériel dans un Trafic. Nos Vtt sont arrivés sur les escaliers de la salle de transit. Les cartons ne passent pas sur le tapis roulant. Nous les récupérons et les embarquons dans le véhicule. Les Djiboutiens se posent des questions sur notre arrivée. Un policier en civil nous demande si nous sommes des journalistes. Je réalise que nous sommes en pleine campagne pour l'élection présidentielle, période d'instabilité. Nous nous répartissons entre le Trafic et le 4X4 du couple, puis nous dirigeons vers la Résidence Marco Polo, où habitent nos nouveaux amis, sur le Plateau du Serpent non loin des bâtiments de l'Ambassade. Super contact, accueil exemplaire, rien à dire. Des gens extra.
C'est formidable, cet accueil et cette gentillesse spontanée. Jean-Philippe et Cécile nous ont même préparé un repas. Nous nous installons, mangeons et discutons tous les cinq ensemble. Ils nous mettent très vite à l'aise. Nous parlons jusque tard. La fatigue m'alourdit les paupières et l'esprit. Nous dormons tous trois dans la même chambre. La nuit est agitée, il fait chaud. Nous parvenons à dormir sur nos lits découverts grâce à la climatisation.
Jeudi 01 avril
Je me suis réveillé vers 5 heures. Je me recouche et me réveille à 6h45. J'ai faim.
Je me lève et file prendre une douche appréciable plus que tout.L'eau est fraîche,quel bien être. La table est déjà mise et le petit déjeuner servi. j'avale un grand bol de café et dévore des tartines de confiture. Nous devons trouver aujourd'hui une solution pour le 4X4. Tous ceux qui étaient libres ont été réquisitionnés pour la campagne électorale. Jean-Philippe nous propose d'aller voir le conseiller de l'Ambassade pour nous signaler en cas de problème grave. Il nous préviendra dès qu'un rendez-vous sera fixé. La matinée est consacrée à la préparation des VTT et à l'inventaire du matériel. J-P nous appelle à 10h45: le rendez-vous avec Monsieur le Conseiller de l'Ambassade de France est prévu à 1lHOO.
Djibouti est devenu très pauvre. Dans la rue autour de nous, des enfants nous demandent des bakchich. j'ai le souvenir d'une ville un peu plus florissante et propre. Tout est très sale, dégradé, les taxis sont de véritables tas de tôles ambulants. Nous passons devant l'Ambassade des Etats-Unis, entourée de blocs de béton, de caméras, de grilles et barbelés, un bunker très bien entretenu. Nous longeons l'Hôpital Pelletier. Quelle misère! Au poste de garde de l'Ambassade de France il faut montrer patte blanche. J-P vient nous accueillir et nous dirige vers le bureau du conseiller. Mon premier contact avec une Ambassade de France à l'étranger. Je trouve l'endroit militarisé, mais la situation actuelle entre l'Ethiopie et l'Erythrée le justifie sans doute.
Monsieur le Conseiller nous reçoit. Je lui expose le projet, les buts et les motivations du Raid Extrême Djibouti, ainsi que le trajet et les possibilités d'adaptation à la situation géopolitique du moment. Je lui parle de Génespoir et de l'albinisme. Il semble intéressé, mais l'accueil reste froid. Je soulève le problème du 4X4, sans aucune réaction. Je laisse tomber. j'ai l'impression de m'adresser à une porte ouverte à tous les courants d'air. Au terme de l'entretien, nous obtenons le numéro de téléphone du Chef d'Etat Major des armées françaises stationnées à Djibouti. Redescendus au poste de garde, l'officier de sécurité essaie de nous obtenir un rendez-vous avec l'Etat Major de l'Armée, sans résultat.
Nous repartons. J-P m'a avancé des francs djiboutiens (FD) pour me rendre en taxi à l'Office National du Tourisme et de l'Artisanat de Djibouti (ONTA) où j'ai pris contact depuis quelques mois. Raoul et Florent poursuivent à pied jusqu'à la résidence Marco Polo, alors que je m'engouffre dans un taxi pourri blanc et vert croupissant contre le trottoir près de l'ambassade. La chaleur commence à me faire transpirer, il est 11h45. L'intérieur du taxi ressemble à une épave. Moussa démarre sa poubelle en shuntant les fils. Je ne me sens pas rassuré dans ce cercueil roulant.
Après être passé au bureau de change pour faire de la monnaie, place Ménélik, je me présente à l'accueil de l'ONTA avec la lettre que le directeur m'avait envoyée. Mohamed Abdillahi me reçoit. Il est au courant du RED., mais m'annonce d'entrée de jeu la mauvaise période qui nous attend en raison de l'élection présidentielle. Il est néanmoins prêt à nous aider.
Il ressort de la conversation que si nous changeons la date de départ du raid VTT, nous aurons à disposition un 4X4 avec chauffeur. Je lui demande s'il est possible d'avoir un laisser-passer pour les régions du nord afin de ne pas avoir de problème d'interdiction de zone. II ne dépend pas de lui mais du Ministre du Tourisme, qui est en campagne électorale. Je lui confie la liste des visites et enquêtes que nous souhaiterions réaliser pour le reportage vidéo-photo. Il s'empresse de la faire photocopier et m'indique qu'il fera son possible pour qu'elles se passent sur deux jours la semaine prochaine. Je suis finalement satisfait de cet entretien. Je repars avec Moussa qui me dépose à la Résidence Marco Polo à 13h30.
J-P, Cécile, Raoul et Florent prennent l'apéritif en compagnie de deux militaires de la Coopération. Ils m'annoncent de bonnes nouvelles, les militaires sont prêts à nous aider via l'Armée Nationale Djiboutienne. Nous leur remettons la carte sur laquelle figure notre trajet ainsi que le road book, afin qu'ils puissent étudier les possibilités d'hébergement et d'accueil aux différentes étapes. Ce qui est extraordinaire, c'est que J-P vient tout juste de faire leur connaissance après notre passage à l'Ambassade. La chance est peut-être avec nous, Florent et Raoul ont retrouvé le sourire. Nous passons à table à 14h00. Cécile nous gâte: viande de boeuf d'Ethiopie et pommes de terre au four, crème dessert. Nous discutons longuement tous les cinq.
A 15h30, J-P et Cécile vont faire la sieste, Raoul également. C'est la pleine chaleur. Florent et moi préparons notre nouvel itinéraire. Florent s'intéresse d'avantage au fonctionnement de son GPS Magellan Tracker. Une heure après nous partons à la banque Indo Suez pour effectuer du change. Ils nous disent que la Carte Bleue ne fonctionne dans aucune banque. Nous traversons la route vers la BNP, où il n'y a aucun problème pour effectuer des retraits avec la CB Visa. Quels roublards!
Nous décidons d'aller faire quelques prises de vue du chemin de fer Djibouto-Ethiopien qui relie Djibouti à Addis Abeba. Il permet au pays voisin l'Ethiopie d'avoir un débouché sur la mer. Les rails posés en 1917 ondulent, déformés par des températures oscillant entre -2° C et +60° C. La ligne n'a par endroit jamais été rénovée. Trésor ou enfer, elle coupe l'extrême solitude que l'on peut ressentir loin de la capitale. Face à la gare, les gens sont assis, agglutinés par petits groupes. Nous entrons dans cet édifice colonial construit par la France, quelques photos et nous ressortons en même temps que l'équipe junior de football de Djibouti vêtue de jaune qui vient d'arriver, mêlée à un troupeau de chèvres qui déambule sur les rails. C'est le jour et l'heure d'arrivage du qat. La livraison s'effectue quotidiennement par un avion en provenance d'Ethiopie, pays producteur de cette drogue. Tous les Djiboutiens commencent à mâcher l'herbe verte euphorisante, opium du peuple. Nous comprenons l'un des enjeux de la situation géo-politico-économique. Djibouti, dépendante de son fournisseur l'Ethiopie, lui laisse l'accès à la mer.
J-P et Cécile sont à la recherche d'une barque motorisée. A l'entrée du port, il faut montrer sa carte et le garde nous demande d'éteindre nos codes qui l'éblouissent. Il est 19 heures et il fait déjà nuit. Nous visitons trois barques en vente. J-P et Cécile commentent les avantages et les inconvénients de chacune, puis nous repartons vers le centre de Djibouti. Nous faisons une halte pour acheter du pain local. Il est bon, un peu brioché. Les enfants de Djibouti se nourrissent de ce pain qu'ils trempent dans une sorte de sauce tomate épicée.
Place Ménélik, les souvenirs traversent ma mémoire. Quelle déception de constater alentour la dégradation de la ville. A la descente du 4X4, nous sommes assaillis par des vendeurs à la sauvette et une flopée d'enfants. "Bakchich worio 1 Donne l'argent 1". Ils arrivent de partout.
Nous nous arrêtons acheter des cartes postales aux vendeurs à la sauvette. Ils présentent leur marchandise dans de belles bOITes confectionnées avec des cartons de récupération qu'ils portent devant eux, tenues par une ficelle autour du cou, comme les ouvreuses de cinéma. Des allumettes, des cigarettes, des lunettes, des petits objets, des cartes postales, des enveloppes composent l'achalandage. j'ai comme interlocuteur Mogué. Il parle bien le français et me présente son paquet de cartes postales. Raoul et Florent cherchent également, entourés d'autres vendeurs. Nous choisissons en marchandant le prix. j'obtiens une carte postale gratuite et les enveloppes pour la dizaine que je prends. Mogué est heureux. Des vendeurs de tapisseries viennent nous proposer leur marchandise, des enfants arrivent de partout. Montres, cigarettes, cireurs de chaussures, bijoux, tout nous est proposé. Nous accompagnons Cécile chercher des cigarettes, elles sont moitié moins chères qu'en France. Un ancien armé d'un bâton, voulant chasser les vendeurs ambulants hors de la boutique, met un coup sur les fesses de Cécile. Incident diplomatique très vite réglé par le patron qui vient s'excuser.
Une nuée de mendiants nous entoure. Une jeune fille même pas 16 ans tient un bébé dans ses bras, enveloppé dans les plis de son sari de cotonnade multicolore. Sous le tissu qui lui couvre la tête, j'aperçois une gentille petite frimousse noire implorante. Elle revient plusieurs fois à la charge. Je craque, je n'ai jamais vu un petit bébé aussi gracieux. Je lui donne 50 FD, ce qui équivaut à 1,60 francs environ. Avec cette somme, elle pourra acheter du pain, la baguette vaut ici 60 centimes. Nous repartons, elle est souriante et nous salue. Superbe bébé dénommé Tonio, je garderai à jamais son sourire dans ma mémoire.
Nous arrivons à la résidence, dînons, discutons. Je suis fatigué, je vais me coucher.

DJIBOUTI "SUR LES TRACES D'HENRY DE MONFREID

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