DJIBOUTI-ALI SABIEH 95 KMS EN 8 HEURES

DJIBOUTI "SUR LES TRACES D'HENRY DE MONFREID

SEMAINE PRESIDENTIELLE A DJIBOUTI

ALI SABIEH-DIKHIL 75 KMS EN 4HEURES




Lundi 12 avril 1999 :
1ère étape DJIBOUTI-ALI SABIEH,95 kms en 8 heures
04h00: je suis déjà réveillé. Cette fois-ci, c'est le grand départ pour le Sud! Au petit déjeuner je m'envoie une baguette entière, un café et quelques biscuits. Florent et moi préparons nos VTT. Raoul descend (lOus filmer, je lui montre le matériel à embarquer. je suis un peu stressé de savoir si le 4X4 de l'ONT A sera comme prévu à la résidence à 07h00 pour prendre Raoul et le matériel.
05h00 : Top départ. Nous pédalons à la fraîche, dans la pénombre de la nuit finissante.
J'ai du mal à me mettre dans le rythme. Florent ouvre la route coiffé d'une lampe frontale, car il n'y a plus d'éclairage public à la sortie de Djibouti en direction de Nagar. Nous passons devant la mosquée de l'Ecole de Police. La lumière intérieure éclaire les vitraux de multiples couleurs, du haut du minaret le mouedzen psalmodie l'appel à la prière du matin. C'est très beau. Nous arrivons sur la piste qui mène dans l'oued où je me suis blessé lors de notre premier entraînement. Cette fois-ci je ne m'y fais pas prendre. Il est 05h30, le soleil n'est pas encore levé mais la clarté de l'aube nous permet de passer l'oued sans encombre. Nous rejoignons la piste qui mène à HoIho!. Mon petit déjeuner remonte, j'ai le ventre lourd, mal au coeur et transpire à flots. je m'hydrate sans attendre en aspirant par l'embout relié à mon camelback. Quatre litres d'eau vitaminée dans le dos ne sont pas de trop pour tenir jusqu'à l'étape d'HoIhol. Je souffre de ne pas trouver le rythme, le souffle haché, les jambes douloureuses. Nous faisons plusieurs haltes. Heureux d'être partis dans ces paysages lunaires au jour levant, qui se nuancent du gris cendré au blond sableux.
Arrivés à Holhol, nous nous arrêtons devant le pont de chemin de fer construit par Eiffel, puis nous descendons dans l'oued avant de remonter sur l'autre versant. Nous faisons une halte devant le camp militaire de l'AND et discutons avec les soldats, très étonnés, qui nous posent des questions sur notre périple. Nous traversons la voie ferrée Djibouti-Ali Sabieh, puis nous entrons dans un camp de réfugiés Somaliens qui ont fui leur pays lors du dernier conflit. Nous croisons une ambulance de l'Unicef qui nous conseille d'attendre un vieux Somalien pour nous escorter jusqu'à la sortie du camp. Les enfants sont agressifs, car ils sont affamés. La piste est très mauvaise. Je tombe une nouvelle fois et me cogne sur ma blessure, ne dis même pas ouf ! Les enfants arrivent en foule piailiante et nous entourent, ils viennent de toutes les tentes des organisations humanitaires et des toukouls. Le vieux Somali crie, leur lance des pierres. Les hommes que nous croisons nous saluent et n'hésitent pas à repousser la horde d'enfants. Nous sortons du camp et repartons.
Nous avons perdu du temps à Holhol. La piste que nous avons prise nous rallonge, l'autre étant coupée par les pluies tombées à la saison fraîche. Nous commençons à nous soucier du 4X4 de l'ONTA et à angoisser. Sont-ils partis? Il est 09h30, le soleil tape. Dans un oued défoncé, nous sommes obligés de mettre pied à terre. Le sable est notre pire ennemi avec la chaleur. Nous marchons ainsi pendant une heure, en plein soleil, le corps incendié, les yeux perdus dans l'immensité poussiéreuse. Il est 10h30, la peur me prend aux tripes. Je me sens responsable d'avoir entraîné Florent dans ces conditions extrêmes. Je me demande si nous allons y laisser toutes nos forces. Sable, soleil, chaleur, soif, désert, fournaise. Nous sommes épuisés, je me vide de mon eau, nos réserves s'amenuisent. Florent est brûlé aux cuisses au premier degré. Tout à coup j'aperçois une piste au-dessus de l'oued. Elle nous permet de quitter cet enfer où nous brûlions à petit feu.
Quelques kilomètres plus loin, nous décidons de faire une halte sous un kéké, arbuste typique du pays muni de longues épines qui transperceraient un pneu. Les nôtres heureusement ont une bande de kevÎar.Je remercie Hutchinson et Peugeot pour ce matériel au top. Nous sommes au bord du malaise, le GPS indique 38°C à l'ombre du quéqué, ce qui signifie 45°C environ dans I;oued. Les sels que nous évacuons en transpirant marquent nos visages de blanc. Les yeux livides, ma tête tourne. Je me demande sÎ je rêve, si j'hallucine, la chaleur peut-être, j'entends un bruÎt de moteur. Florent aussi. Seraient-ce nos sauveurs ? La délivrance arrive avec le son spécifique du Toyota Land Cruiser 4X4 6 cylindres. Je reconnaîtrai n'importe où le vrombissement de ce moteur. Raoul saute du 4X4, il a immédiatement jugé la situation critique dans laquelle nous sommes.
Il nous tend rapidement des bouteilles d'eau fraîche, sorties de la glacière. Nous sommes sauvés, mais nous avons laissé toutes nos forces dans cet oued infernal, nous avons puisé dans nos réserves. Je remercie Dieu et tous les saints de nous avoir sortis de ce désert de roches et de sable où règnent silence et mort.
Il faut continuer, le soleil monte, nous allons marcher et rouler près de 25 km encore. Florent a une crampe. Ses brûlures aux jambes commencent à lui faire très mal. La faim et la soif nous tenaillent. J'ai la gorge sèche malgré les dernières gouttes bues de mon camelback. Nous roulons depuis 05h00 du matin, il est 13h00. Il fait environ 50°C au soleil et il reste 10 kms. Nous sommes décomposés, déshydratés,nous frôlons l'accident grave. Je prends la décision, en accord avec le reste de l'équipe, d'embarquer les Vtt dans le 4X4.Il faut penser aux autres étapes. Je peux dire que nous avons été à l'extrême limite de nos possibilités. J'ai les larmes aux yeux d'avoir emmené Florent dans cette galère.Pendant les 10 kms qui nous mènent à Ali Sabieh, Ali, Hussein et Raoul m'expliquent les raisons de leur retard. Ils étaient prêts dès 07h00, mais il leur a fallu attendre 09h00 pour avoir l'autorisation écrite du directeur de l'ONTA. C'est l'Afrique.
Nous arrivons au centre touristique d'Ali Sabieh, laissé à l'abandon comme tant d'autres depuis les dégradations de la guerre de 1993-94, faute de capitaux. C'est bien dommage, cette structure inutilisée. De hauts arbres entourent de leur ombre verte une grande maison blanchie à la chaux avec une gigantesque terrasse, sur laquelle nous installons notre bivouac. Il n'y a plus d'électricité, des ventilateurs rappellent le temps colonial. Des fours à méchoui et de vieilles. gazinières dans un cabanon laissent deviner un passé riche en soirées touristiques. Hussein connaît bien le gardien du centre, seule âme qui vive là. Il nous trouve de vieux matelas, quelle aubaine! Nous y jetons nos duvets et installons nos moustiquaires. Tout le matériel est débarqué. Nous ouvrons quelques boîtes de raviolis et de spaghettis, mais l'appétit n'est pas au rendez-vous. Nous sommes trop fatigués. Après avoir mangé un peu, Ali s'en va au village chercher de l'eau pour nous laver. Nous nous allongeons pour une sieste, mais rien à faire, je n'arrive pas à dormir. Je somnole tout de même un peu.
A 17h00, Ali le musulman fait sa prière. Hussein nous a ramené des cocas frais. Quel bonheur. Nous commençons à préparer le dîner, car ce soir nous n'aurons pas d'éclairage. Nous cuisinons des raviolis volaille avec du riz. La nuit tombe rapidement. Nous installons bien nos couchages, rangeons le matériel et Florent prépare les camelback pour l'étape suivante. Nous mangeons pendant qu'Hussein broute du qat et fume le narguilé avec le gardien, nonchalemment assis à même le sol. Ali nous rejoint, nous discutons du programme de demain. La vaisselle faite, le matériel rangé et le petit déjeuner prêt, nous nous glissons sous nos moustiquaires.
II est 19h30, j'ai du mal à m'endormir. Je contemple le ciel étoilé que je distingue partiellement de la terrasse. Je passe une nuit mouvementée, les images de la journée défilent, le cauchemar vécu et cette piste qui n'en finit pas... Le vent s'engouffre dans la terrasse et nous rafraîchit. C'est agréable, la nuit, à l'abri de cette maudite chaleur. Je pense avoir ici connu la journée la plus terrible de ma vie.

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SEMAINE PRESIDENTIELLE A DJIBOUTI

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