AS EYLA-LAC ABBE 45 KMS EN 3 HEURES
DJIBOUTI "SUR LES TRACES D'HENRY DE MONFREID
DIKHIL-AS EYLA 60 KMS EN 03H30
LAC ASSAL-DANKALELO 50 KMS EN 4 HEURES
Il a plu voilà trois jours, les oueds sont défoncés, l'eau a dévasté la seule piste qui mène au lac Abbé, situé à la frontière de l'Ethiopie. Cette piste étant impraticable en VTT et notre temps étant compté, nous décidons de nous y rendre en 4X4 et embarquons nos VTT dans le Land cruiser Toyota. Nous arrivons à 10 kms du grand lac à 09h30. Nous demandons à Ali de stopper le 4X4: nous nous faisons un point d'honneur à arriver au lac Abbé en VTT. Nous pénétrons dans un paysage unique, incomparable, imprégné de l'odeur du souffre. Des fumerolles montent vers le ciel comme des cheminées de cendres, la chaleur évapore l'eau du lac, brouillant l'horizon. Le sol cuisant, le soleil brûlant jusqu'à l'âme, ce paysage extraordinaire nous laisse pantois. Hallucination ou réalité, mirage ou vision troublée, nous entrons entre les fumerolles au coeur du lac mythique. Nous sommes obligés de descendre de nos VTT, il y a trop de sable, nos roues s'y plantent gênant notre progression. Nous marchons quelques centaines de mètres dans le sable brûlant malgré nos chaussures, puis remontons sur nos vélos pour nous diriger vers le camp en bordure du lac. Le 4X4 qui nous suivait nous rejoint, il s'était ensablé tant le terrain est mauvais en dépit de la puissance du Land cruiser. Ali nous fait signe de retoumer sur nos pas, nous nous sommes trompés de piste pour nous rendre aux sources chaudes.
Un hélico toume dans cette zone. Il passe une première fois au-dessus de nous. Je crois qu'il nous fait signe de nous arrêter. je réponds de la main, j'ai peur qu'on nous tire dessus. Il repart et pique sur nous pour finalement faire un stationnaire devant nous. je distingue "Armée de terre" avec la cocarde tricolore et deux personnes qui nous photographient à travers le hublot. Ce sont des militaires français. Ils nous font un signe amical de la main. Ils ont dû se demander ce que faisaient deux fous en VTT en plein lac Abbé, au milieu de cette désolation désertique et grandiose. Nous continuons notre piste et arrivons au pied des sources chaudes. L'eau boue de chaleur, je tends la main au-dessus, c'est un four. j'imagine que sous nos pieds les volcans vivent, le magma travaille non loin. Nous repartons vers le 4X4. 11h00 déjà, la chaleur est étouffante. Il faut encore rouler jusqu'à l'heure de la prière d'Ali, c'est à dire 12h30. Peu avant l'heure, nous arrivons à l'entrée d'As Eyla.
Soudain Ali stoppe le 4X4, en descend une bouteille d'eau à la main, s'assoit sur le sol, enlève ses chaussures et son jean, revêt un drey (longue robe musulmane ), se lave les pieds et commence sa prière en se dirigeant vers le nord-est, orienté vers La Mecque, dans une série de génuflexions et de murmures psalmodiés, les yeux mis-clos. Nous attendons patiemment. Sa gestuelle religieuse effectuée, nous entrons au village. Nous sommes installés chez le chef de poste, dans une pièce. Les lieux sont dégradés, mais ce qui nous fait particulièrement plaisir, c'est qu'il y a de l'électricité, une douche et des toilettes. Par contre nous coucherons par terre. Nous enlevons nos tenues et nous jetons sous la douche qui ruisselle goutte à goutte. Vu la propreté et l'hygiène douteuses des lieux, nous gardons nos sandales. Nous mangeons des raviolis avec du riz. Encore des sucres lents!Nous n'avons pas envie de faire de sieste. Il fait une chaleur étouffante. Nous avons été sollicités par un jeune Afar du village pour qu'à 15h30 nous allions boire le chai traditionnel dans un toukoul, case faite de branchages et de feuilles de palmier de la palmeraie voisine. Nous nous asseyons sur des tapis tressés avec la matière première locale, toujours le palmier. Nos hôtes nous servent le thé dans des verres. Commerce oblige, ils ont amené des couteaux, des thalers d'Ethiopie (pièces de monnaie anciennes), des pierres rares, des défenses de phacochère. Notre budget ne nous permet aucun écart, dommage. Nous visitons le toukoul construit à côté, fait de branchages comme armature souple et de nattes tressées en couverture. L'intérieur est de terre battue. Dans un coin le foyer sert de cuisine, un grand lit surélevé fait de bambous amarrés avec des ficelles en peau de chèvre, quelques nattes comme paillasses... là vivent six membres d'une même famille.
Le jeune Afar, Moussa, nous propose de nous montrer les restes fossilisés d'un mammouth, découvert par un berger dans un oued à 4 kilomètres d'As Eyla, et des termitières qui se trouvent sur le chemin. Nous nous ensablons dans un oued. Heureusement Ali est fin conducteur, 40 ans de brousse, ça aide. Il nous sort de cette mauvaise position et nous retrouvons le chemin qui mène au village où sont entreposés, d'après les dires de Moussa, les restes du mammouth. Les pluies les auraient mis à jour et le berger les aurait transportés jusqu'à ce village tout proche. J'ai l'impression d'être 2000 ans en arrière, les toukouls traditionnels sont dans des enclos de branchages, les enfants pieds nus en guenilles, les chèvres et les cabris composent ce paysage primitif. Moussa accompagné d'une femme nous mène jusqu'au toukoul où se trouvent les restes paléontologiques. Moussa soulève des bouts de bâches et de planches. Nous constatons stupéfaits qu'il ne racontait pas d'histoires. La tête, les mâchoires, des vertèbres, des côtes, des défenses brisées, un sabot, le tout fossilisé et dans un état exceptionnel. Quelle richesse, oubliée de la science dans ce berceau de l'humanité. Sur le chemin du retour, alors que le soleil devenu orangé se couche, nous nous arrêtons pour voir une gigantesque termitière. Raoul et Florent pensent à une supercherie, je ne suis pas d'accord avec eux.
Moussa notre guide nous conduit à l'ancien centre touristique d'As Eyla. Encore un petit paradis dans une palmeraie,laissé à l'abandon. Des bungalow équipés de climatisation, d'eau courante, de sanitaires complètement détruits, des installations électriques cassées, cuisine, piscine démolies. Comme tous les autres sites touristiques, cet endroit appartient à l'Etat qui ne l'exploite pas.
Nous rejoignons notre chambrée, l'électricité et les ventilateurs sont en route. Nous pouvons recharger les batteries des camescopes, prendre une douche pendant que le cabri farci que nous avons commandé au village finit de cuire. L'odeur délicieuse de la chaire dorée nous met l'eau à la bouche. Nous n'avons pas mangé de viande depuis le début de la semaine, si ce n'est un peu de mouton à Dikhil. Nous nous léchons les babines, le cabri est succulent, farci au riz avec des épices, cannelle, clous de girofle et autres senteurs secrètes. Nous partageons ce repas avec Hussein et Ali, qui mangent toujours à part et à qui il nous faut à chaque fois apporter une assiette, sinon ils ne réclament aucune nourriture.
Une fois la panse bien pleine et le sourire aux lèvres, Moussa nous rejoint. Il a organisé en notre honneur une petite soirée avec danses et chants des hommes du désert, comme il le faisait lorsque la région était touristique. Nous nous retrouvons dans une Casbah sombre, aux portes clauses à cause de la chaleur du dehors, avec de jeunes Afars le poignard traditionnel à la ceinture, tous assis sur des coussins disposés sur un grand tapis. Aucune femme. Les hommes entonnent des chants a capella, rythmés par la seule mélopée et leurs cris en échos. Je danse avec eux d'une façon guerrière, le poignard à la main. Des jeunes à tour de rôle récitent des fables de La Fontaine qui nous rappellent l'ex-côte française des Somalis, en scandant les vers à la manière du rap, étrange poësie aux sonorités ancestrales et si modernes.
Nous rentrons fatigués mais heureux de cette journée et nous couchons sous nos moustiquaires. Demain, le réveil sera matinal. Je passe une très mauvaise nuit, j'ai mal au bas du dos à cause des pistes défoncées en forme de tôle ondulée que nous parcourons journellement dans la fournaise.
DJIBOUTI "SUR LES TRACES D'HENRY DE MONFREID
DIKHIL-AS EYLA 60 KMS EN 03H30
LAC ASSAL-DANKALELO 50 KMS EN 4 HEURES
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